Aorès la tempête, c'est toujours la tempête. Mais, si l'oubli est impossible, la douleur du souvenir peut aussi rendre le chemin lumineux.
J'étais comme le marin
J'étais...
Comme le marin balloté dans la tempête,
Perdu dans la nuit qu’aucun phare n’illumine,
Au coeur des avaries, certain de sa défaite,
Cherchant toujours l’espoir que le doute assassine.
Il ne commande plus à sa barque, à la houle.
Il se révolte encore, épuisé, il attend
Le fatal passage où la lumière s’écoule.
Désormais, il est loin des hommes, loin du temps.
Puis, s’échoue, au matin, quand finit le voyage,
Les yeux toujours aveugles de l’obscurité,
Dans un lieu inconnu, perdu sur le rivage
Où pour lui seul le monde vient de commencer.
Jean Pierre Richard
Après la tempête
J’étais comme le marin, ballotté dans la tempête, qui ne maitrise plus rien, ni les éléments, ni son embarcation, qui se débat, avec les avaries et dans les vomissures, la peur au ventre, désespéré, dans la nuit qu’aucun phare n’illumine, navigant entre la résignation, l’espoir et le doute... pour s’échouer au matin sur un rivage inconnu, là où il lui semble que le monde vient pour lui seul de recommencer.
Après la tempête, c’est le calme, mais un calme apparent. La mer est paisible, mais y flottent toujours les épaves des jours tourmentés. Après la tempête, tout est incertain comme volent aux vents les feuilles mortes suspendues dans les airs qui se posent et reprennent leur vol à la première brise.
Aujourd’hui, la tempête est passée. Mais après la tempête, c’est toujours la tempête ou pour le moins, il reste les traces que son souvenir a laissées. Des traces difficiles à effacer. Après la tempête, restent les dégâts de la tourmente que les souvenirs alimentent. Si après le déluge l’eau s’est retirée, les dégâts sont toujours visibles. Et ensuite, quand tout sera nettoyé, il restera malgré tout dans la mémoire des traces de la catastrophe.
Après la tempête, c’est bien sûr des moments de paix et de soulagement. On se sent bien, heureux d’être encore en vie, léger, débarrassé du poids de la peur de disparaitre et des épreuves subies. On a envie de rien. On s’assoit, on regarde, on respire, étonné d’être encore là. Mais on sait qu’il va falloir repartir, reprendre le cours des choses, alors on s’accorde un moment de grâce, où l’on se croit fort, un moment où nous échappons à la fragilité du quotidien avant d’être à nouveau repris par l’existence avec la hantise que tout cela recommence. Car nous savons déjà que tout recommencera. Ce qui a été, sera. Le passé n’est que la répétition du futur.
Et, je me dis que le cinéma, c’est magique. Au cinéma, au moment du montage, nous pouvons toujours faire des coupes, enlever des séquences quand elles nous déplaisent. Et puis, nous pouvons aussi réécrire le scénario. L’histoire nous appartient. Pas de tempête, pas de déception, pas de doute, pas de tourment, si nous n’en voulons pas. Dans la vie, il n’en est pas ainsi. Ce qui a été, est ineffaçable et repasse parfois en boucle sur l’écran de la mémoire.
Le bateau de l'oubli
Un vent d'apaisement aura soufflé en vain,
A parcouru le monde et lassé s’en revint
Comme, il était parti, portant espoirs nouveaux.
Le même est revenu chargé de son fardeau.
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Toujours ancré au port,
Le bateau de l’oubli,
Si le vent ne faiblit,
Y restera encore
Les dégâts pour décors.
La tornade est passée
Laissant ses avaries.
Rien, depuis, ne varie.
Confiance cassée.
Attaches fracassées.
Il attend au mouillage.
Si le gros temps demeure,
Il se peut bien qu’il meurt
Le passé le ravage.
Le futur fait naufrage
Le bateau de l’oubli
Ne prendra pas le large.
Bien trop forte est la charge,
Le poids qui l’affaiblit
D’un impossible oubli.
Chemin lumineux
Si ma raison réprime
L’émeute des émois,
Ma passion déprime,
Malgré tout, malgré moi,
Mes sentiments se rompent,
Ton contour s’affaiblit,
Ton image s’estompe
Aux brumes de l’oubli.
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Le calme est revenu,
Mais l’avarie demeure.
Le passé mis à nu
C’est le futur qui meurt.
Nous voulons effacer,
Au parfum de l’instant,
Les traces du passé,
Les souvenirs d’antan.
Si la plaie se referme,
La cicatrice reste.
Guérir n’est pas un terme
Qui met fin à la peste.
Passe avec les saisons
Ce qui nous consumait.
Mais de la guérison
On ne guérit jamais.
Toujours renait le doute,
Tel se lève le vent.
Un vent que l’on redoute,
Un doute bien vivant.
Comme un souffle glaçant,
Comme une plaie de l’âme,
Comme jaillit le sang
Sous le feu de la lame.
Griffer par les épines
Que le tourment dégaine,
La mémoire en sourdine
Impose sa rengaine.
Rien ne s’effacera,
Pas d’absolution,
Tout ce qui fut sera,
Nulle rémission
Les tragédies, les guerres,
Tout restera écrit,
Les tremblements de terre
Les sanglots et les cris.
Et le livre du temps
Restera intaillé
Et des soupçons latents
Et des amours souillées.
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Mais après tout, qu’importe,
Si on reste impuissant
A mater la cohorte
Des moindres sentiments.
A ne rien infléchir,
Il faut bien se résoudre.
On ne peut asservir.
Ni l’amour ni la foudre.
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Peint de mélancolie,
Mon chemin ténébreux
Tout à coup s’éclaircit
Et devint lumineux.
Il était temps...
Il était temps, il était l’heure
Que se dissipe le malheur.
Il était l’heure, il était temps
Que me revienne le printemps.
Nos attentes se sont frôlées,
Et nos rêves se sont étreints
Dans l’indécente intimité
De nos fantasmes souterrains.
Brouillon d’avenir inventé.
La vie souvent est aventure
Que l’on écrit sur le chemin.
Pages de ratés, de ratures.
Hier, aujourd’hui et demain,
Du bonheur la caricature.
Les rires cachent les sanglots
D’existences bariolées.
Le temps emporte au fil de l’eau,
Restes d’amour cambriolé,
Regrets, espoirs, méli-mélo.
Ma vie, roman écrit pour elle,
Un peu secret, un peu voyeur.
Pour elle, j’ai posé mes ailes.
Je vis ici, je suis d’ailleurs.
Errance, fiction réelle.
Musique, do ré mi fa sol.
Romance, solfège des mots.
Et, l'amour qui m'a plaqué au sol,
Concert d’émois, couleurs d’émaux,
Du mal de vivre, nous console.
Douce mélodie de la toile
Sur la palette des couleurs.
Histoire que le peintre entoile.
Plane des lambeaux de mon coeur,
Resté pendu à une étoile.
Éclat de vie, fracas de rire.
Le temps ne m’a pas consolé.
Imaginer, créer, écrire,
Rêver si fort à s’envoler
Pour ne plus jamais atterrir.
Il était temps, il était l’heure
Que se dissipe le malheur.
Il était l’heure, il était temps
Que me revienne le printemps.
Après la tempête
Le bateau de l'oubli
Chemin lumineux
Il était temps...