Propos d'un soir

« Le jour on est ce qu’on est devenu, la nuit on est ce que l’on a toujours été » Erich Maria Remarque.

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Digressions brésiliennes

Digressions brésiliennes.

Les souvenirs reviennent,

Sentiments taciturnes,

Mélancolie ancienne

Dans des vapeurs nocturnes

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Assis au bord du fleuve

Respirant ses effluves

Dont mon esprit s’abreuve

Dans cette morne étuve,

La nuit vient me bercer

D’un air de déviance.

Je me laisse porter

Quittant mes apparences.

J'arrache mes liens

De moi-même, je fuis, 

Dans la nuit, redeviens

Ma foi, ce que je suis,

N’aurais du cessé d’être,

Solitaire et sauvage,

Une ombre à la fenêtre

Qui est là de passage.

Du ventre de ma mère

Je m’affranchis. J’avoue,

Je suis venu sur terre

Sans avoir rendez-vous.

Je suis toujours ailleurs.

C’est là que je réside,

Egaré et rêveur,

Dans le vent et le vide.

J’ai quitté le rivage 

En effaçant mes traces.

Chimérique voyage,

Dans le temps, dans l’espace.

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Fardée, mystérieuse,

Innocente, effrayante, 

Paisible ou dangereuse,

La nuit est attirante.

Elle est la galaxie

De nos espoirs déçues.

Berce nos insomnies

D’espérances perdues.

Toujours, elle illumine

Avec archarnement,

L’étrange pantomine

De nos déchantements.

L’obscurité enivre,

Anesthésie les sens,

Guérie du mal de vivre,

Me ramène à l’enfance.

Mes fantômes paraissent 

Sans y être invités

Convoquant la détresse

D’un rêve ensanglantée.

La nuit c'est le royaume 

Du crime et du désir. 

On y chante le psaume 

Des anges, des vampires.

C’est le temps du complot 

Et celui des complaintes 

Quand couve le brulot

Quand gémissent les plaintes.

Au brouillard de l’alcool

La nuit, qui étincelle,

Libère la parole

Indocile et rebelle.

Et elle nous délie

De nos vains préjugés

Pour coucher dans le lit

Des pensées censurées,

Défait la dictature

Des phrases convenues

Pour prendre les allures 

De discours vrais et nus.

Cesse la comédie

Des amours hypocrites, 

Trahisons et non-dits

Où le malheur m’invite.

Dans mes pensées intimes,

J’ai côtoyé l’infâme,

La destinée infime

De l’homme et de la femme.

Et la nuit me dévoile, 

Un étonnant secret, 

Ecrit dans les étoiles

Qui dis ce que tu es :

Le poison et le miel,

Le remède et le mal,

Le sucré et le fiel,

Caressante et brutale.

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J’ai fait mon univers

D’un  récit  inventé.

C’est dans l’imaginaire

Qu’éclot la vérité.

Au flirt de l’irréel

Et d’un monde sensible,

Les songes nous révèlent

Un présent invisible.

Amnésie du réel,

Utopies, artifices,

Récits intemporelles,

Retour d’un précipice.

Passé, présent, futur,

Indicible mélange

Où se joue la capture

De ces mondes étranges.

Le passé est présent,

Le futur déjà là.

Tout s’échappe du temps.

Le temps n’existe pas

Quand l’univers quantique,

Théories, théorèmes,

Déclame le cantique

Des astres, du poème. 

Je ne suis déjà plus,

Le monde est trop pesant.

Vivre ne suffit plus.

C’est en vain que j’attends.

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Digressions brésiliennes.

Autant qu’il me souvienne

Et la clarté s’installe,

Et les ombres reviennent,

Moment paradoxal.

La lumière renait,

De son éclat m’enferme.

Aveugle, j’attendrai

Que l’obscurité germe

Pour saisir le mystère

Des amours tourmentés

Qui ont vécu l’enfer

A peine commencés.

Aveugle, j’attendrai

Que la nuit me dévoile, 

Dise, ce que tu es 

Dans l’éclat des étoiles :

Le poison et le miel,

Le remède et le mal,

Le sucré et le fiel,

Caressante et brutale.

Et les pas qui m’entrainent

Dans ma fuite et ma ronde,

Vers tes yeux me ramènent

Puisque la terre est ronde.

Jean Pierre Richard.retourhp

Lorsque brille la nuit

Lorsque brille la nuit

S’allume le désir.

L’obscurité qui luit

Nous invite au plaisir.

Ainsi tu t’es ouverte,

Indicible indécence,

Sublime découverte

De l'esprit et des sens.

Voilà l’instant magique

Dont l’extase raffole,

Suit le moment tragique

l’euphorie s’envole.

On ne peut retenir

Les instants qui trépassent.

Le roman va flétrir.

Le futur est impasse.

Nous croyons à nos songes,

Les ombres les transportent.

Nos rêves sont mensonges

Et l’aube les emportent.

Tu es belle et rebelle,

Tu as hanté mes rêves.

Immortelle, mortelle.

Voilà que tout s’achève. 

L’ivresse et la jeunesse,

Insolente innocence.

Fragile forteresse,

Se brise l’espérance.

Et le temps nous entraine

Comme un torrent qui roule.

Et nous joue sa rengaine

Et la vie se déroule.

Jean Pierre Richardretourhp

Les affres de la nuit

Les affres de la nuit

Vomissent les ténèbres

Lumineux de l’ennui

Que l’insomnie célèbre.

Dans le décor immonde

Du magma primitif,

Dans les égouts du monde,

Dans le chaos natif,

Dans l’obscurité peinte

Aux couleurs d’agonie,

Au coeur du labyrinthe 

Nait une symphonie. 

Tumulte intemporel,

Apologie des songes,

Univers parallèle

Ou l’inconscient plonge.

Fatale violence

Dans l’orgie du sommeil,

Fantômes de l’enfance,

Des monstres et merveilles.

Sidérant, sidéral

Quand les forces cosmiques

Illuminent le bal

Des émeutes psychiques.

Désordres de l’esprit

Dont parle le poète

Le repaire où fleurit

La folie et la fête.

 

La nuit, comme un déluge

D’utopies égarées,

Abrite le refuge

Des serments déchirées.

Secrète citadelle

Où résonne l’écho 

Des amours infidèles,

Sans répit, sans repos.

 

Le jour est un naufrage

Dont la nuit nous délivre

Pour enchanter la rage 

De notre mal de vivre.

Jean Pierre Richardretourhp

Propos d'un soir

La nuit, la fatigue, l’alcool embrumaient mon esprit. En entrant, dans ce bar, loin de tout où le hasard et la mélancolie, m’avaient amené, je l’avais tout de suite aperçu au milieu de la salle, près d’un billard. Il ne jouait pas, il semblait ailleurs, isolé, esseulé au milieu des autres. Il paraissait regarder sans voir. Délaissant l’attroupement, il vint s’accouder au comptoir à mes cotés. Il a tendu son verre au barman, lui faisant signe de le remplir. Lentement, Il s’est tourné. Me dévisageant, il a dit : «vous buvez quelque chose». J’ai répondu machinalement : «comme vous». Il a fait signe de me servir. Et puis, me prenant à témoin, surmontant le cacophonie des conversations, il me tint ce discours.

Il me dit que la vie,

Du berceau au trépas,

Est une maladie

Dont on ne guérit pas.

Survie au jour le jour. 

Avenir égaré.

Un tragique séjour.

Une mort différée.

……………………………

Et puis levant son verre

Comme un divin calice,

Il prit un air sévère

Comme un prêtre à l’office.

Ainsi, il s’est livré 

Versant sur le comptoir

Propos désespérés, 

Mélancolie d’un soir.

Des propos équivoques

Destinés à lui même.

Un intime colloque

A l’angoisse pour thème.

Recherchant dans l’alcool

Une aimable complice.

Etrange protocole

Cachant ses cicatrices.

C’est alors qu’il s’est tu, 

Imposant le silence,

Par la seule vertu

De sa seule présence.

Il regardait ailleurs

Sondant sa solitude,

Méprisant notre peur,

Nos pales certitudes.

Il n’était plus d’ici.

Il n’était qu’une plaie.

Il n’était plus qu’un cri.

Une voix qui déplait

Alors, devant un public interloqué, comme si l’endroit était vide, surmontant la musique, ne parlant pour personne, s’épanchant pour lui-même, il continua : 

Parfois, je l’ai perdu 

Pour un oui, pour un autre,

Pour un temps corrompu, 

Le sien, le mien, le notre.

Dans son esprit, l’espace

D’ou sa pensée émerge

Lui réserve une place.

Le souvenir l’héberge.

Je n’avais pas perçu

Ce qui chantait en elle

Ni n'avait reconnu

L’obstinée ritournelle.

Et la vie est passée

En creusant une trace

Dans mon coeur déchiré

Sans que le temps l’efface.

J’ai cru que la distance

Résoudrait la douleur,

Dissoudrait la souffrance. 

En vain, j’en ai bien peur.

J’ai cru que loin des yeux

Cesseraient mes tourments

Que s’éteindrait le feu.

Mais tout est comme avant.

 

L’inlassable manège

De sentiments confus

Partout me fait cortège

Dans des doutes diffus.        

Incessante musique 

Déroulant ses arpèges

Sur un accord unique

D’un douloureux solfège

Et puis, il fit silence comme un acteur ménageant ses effets. La pénombre, la fumée, nous enveloppaient, imbibées d’alcool, douce accoucheuse des sentiments enfouies. Le regard perdu à des années lumière, dans un espace où lui seul accédait, il poursuivit :

Mais laissons là l’affaire.

De ce triste épisode

Il est d’autres colères

Revenant à la mode

Discours silencieux !

Déluge de pensées !

Visions dans les cieux 

De rêves insensés !

Des rêves de révolte,

Au sortir de l’enfance,

Dont j’ai fait la récolte

Engrangeant les offenses.

On m’a montré du doigt

Pour ma libre pensance,

Rêver sans foi ni loi

Sans faire pénitence.

J’ai vécu loin des hommes

Pour mon indépendance,

Payant le crime, en somme

De refuser la danse.

ll me faut bien l’admettre

Pour moi une évidence

Etre sans Dieu ni maitre !

Divine dissidence !

Ma colère m'entraine

A rejeter le monde.

Je fracasse ses chaines

D’une ardeur vagabonde.

A moi seul une émeute,

Détaché, solitaire,

Fuyant loin de la meute,

J’étais fait pour me taire.

Mais il a bien fallu

Crier pour exister.

Je n’aurais jamais cru

A cette extrémité. 

Oui ! c’était nécéssaire

D’écrire, pour survivre,

Ce qui me désespèrent,

Et les mots qui délivrent

Je n’avais pas le choix

Sinon de disparaitre.

C’est le sort qui m’échoit

Mourir ou bien paraitre.

Quand sonne l’hallali, 

Quand le cerveau explose,

Propose la folie,

Comme métamorphose. 

Circonstances critiques. 

De moments délétères.

Tourments épileptiques !

Sentiments terre à terre !

……………………………….

Enfin, il a cessé. Me faisant face, comme possédé, plongeant son regard dans le mien. Là, j’ai… vu…

Lu dans ses yeux hagards

La tragédie du monde

Dans un glaçant regard

Une douleur profonde.

Il subissait son sort

Mais avec élégance.

En méprisant la mort

D’un souffle d’insolence.

Et puis, il s’est tu et s’en est allé. Comme cela. Sans rien dire. Il m’a quitté comme il m’avait abordé. Je n’ai jamais su son nom ni qui il était ni d’où il venait, où il allait. D’ailleurs peu importe. J’avais partagé un moment de vérité. Vécu une amitié éphémère. Mais ce sont celles-là les plus fortes, en tout cas les plus sincères.

Je me souviens d'une ombre partie vers ses ténèbres. Un fantôme évanouit dans la glace du comptoir. Lui parti, il n’est resté que mon reflet.

Jean Pierre Richardretourhp