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Un arrêt sur image, sur des évènements vécus, sur des personnes rencontrées, des choses lues ou entendues. Je livre ici comme l'écrit, Mohamed Mbougar Sarr, dans "La plus secrète mémoire des hommes" : "[...] la patrie de l'intérieur, celle des souvenirs chaleureux et celle des ténèbres glacés, [...]
Au fil des jours, les jours défilent. Un peu comme un paysage au travers de la vitre d’un véhicule en marche que nous ne pouvons arrêter. Nous essayons de garder des traces du chemin, quelques souvenirs.
Nous sommes tenter de témoigner d’hier. Mais, notre mémoire est sélective et arbitraire. Elle ne garde souvent du passé que ce qui rend le présent supportable. Finalement, se souvenir n’est peut-être que l’illusion de pouvoir arrêter le temps.
Alors, j'ai voulu, ici, faire une halte sur quelques épisodes d'hier.
Je commencerai par mon père. Je garde en mémoire l’image d’une photographie. Mon père me tient la main. Nous sommes devant le stade de Gerland à Lyon.
Mon père est Stéphanois. Je suis Lyonnais. Chaque année, nous allions assister au derby Lyon-Saint-Etienne. L’ambiance était bonne enfant. Les supporters des deux camps rassemblés. On se chahute, on se « chambre » par rapport à ce qui se passe sur le terrain. On chante, on encourage. Il arrive que deux excités en viennent aux mains. Aussitôt, des supporters des deux camps se précipitent, les séparent en les rappelant à plus de civilité et d'esprit sportif. Voilà, l’incident est déjà terminé comme si rien ne s’était passé.
Et puis, le match, arrive à son terme. On rentre chez soi, heureux ou déçu selon l’équipe qui a gagné. Mon père qui penche plutôt pour l’équipe de Saint-Etienne est satisfait si les « verts » ont gagné. Mais il est encore plus heureux devant ma joie si c’est Lyon qui a la victoire. Finalement, il gagne à chaque fois.
Aujourd’hui, un Lyon-Saint-Etienne s’apparente à une guerre (mais également d’autres rencontres de football). On a séparé les (hordes) groupes de supporters, établit un protocole de sécurité pour l’entrée dans le stade, pour l’attribution des places et pour quitter le stade. On a placé, parait-il, 300 caméras, visualisées constamment par des observateurs. Le terrain est entouré par des « stadiers » qui surveillent en permanence les tribunes. N’oublions pas non plus la police mobilisée en nombre pour la circonstance. Aujourd'hui, ce n'est plus que violences, invectives, insultes que l'on a bien du mal à contenir. On crie presque victoire quand on a évité l'envahissement du terrain pour s'en prendre à l'arbitre, aux joueurs adversaires voir à l'équipe que l'on supporte. Pendant combien de temps encore va-t-on devoir supporter ces "supporters" ?
C’est, à Lyon. C’est à Saint-Etienne…. C’est partout en France et ailleurs.
Voilà ! Qu’est-ce qui s’est passé en 60 ans pour en arriver à un tel " ensauvagement ", à une telle démesure, à une telle " décivilisation "
C’est à ne plus rien comprendre, à ne plus rien reconnaitre. Heureusement, il me reste la photo.
J’avais quinze ans, je découvrais le monde et ce que je pressentais depuis l’enfance m’est apparu dans sa brutale réalité. Un monde d’injustice, de violence, de médiocrité et d'hypocrisie. Tout compte fait, c’est la médiocrité et l'hypocrisie qui m’a le plus dégouté. L’injustice et la violence, il peut arriver que l’on s’y fasse. Mais la médiocrité ou l’hypocrisie… jamais. Que me restait-il : l’action violente, accroché à l’illusion de tout pouvoir changer ? Le suicide, j’y ai songé. Moi, je ne me voyais pas vivre dans ce monde. Illusion bien vaine. Me penser différent des autres m’a sauvé la vie. J’avais quinze ans. Il est des rencontres, des lectures qui à l’adolescence vous sauvent la vie. J’aurai l’occasion d’en reparler. Rimbaud est de ceux-là.
J’ai lu que certains se posent la question de savoir si Rimbaud était de gauche ou de droite. Il me semble qu’ils n’ont rien compris. Rimbaud était un révolté, pas un révolutionnaire. Il se rebelle contre la religion, la morale bourgeoise bien sûr mais, aussi contre les conventions, les idées toutes faites, les leçons apprises par choeur. Il éprouve, c'est attesté, des sympathies pour la commune de Paris. Il est révolté contre la bêtise d'un ordre injuste, desséchant et hypocrite. Mais, je ne pense pas qu’il soit idéologiquement avec les communards. Leurs chemins se croisent un moment. Rimbaud n’a pas d’écurie ni de fil à la patte. Il n’a pas d’étiquette. C’est un idéaliste peut-être mais, ce n’est pas un idéologue. Rimbaud est et restera sa vie entière un éternel insurgé.
Le révolté ne veut pas le changer le monde, il ne veut pas se conformer à l’ordre établi, c'est tout. Il se pense en marge. Le révolutionnaire comme le révolté, sont en lutte contre le monde tel qu’il est. Mais lorsque le révolutionnaire s’arrête le révolté continue. Quand la révolution triomphe, un nouvel ordre s’établit. Le triomphe d’un ordre nouveau ne calme pas son mal-être, car son mal-être est d'une autre nature, face à l’absurdité et la médiocrité du monde. Les idées toutes faites, contre lesquelles il se révoltait, n’ont souvent fait que d’être remplacées par des nouvelles. Le révolté, s’il lui arrive de se conformer un moment à la norme, ce n’est jamais pour longtemps. Il ne s'y résout jamais vraiment. Il le subit et vient toujours le moment où il retrouve sa révolte primitive.
Rimbaud n’est pas le petit fantassin d’un idéal qu’il faut à tout pris servir. Sa liberté est au-dessus de tout. Obéir aux consignes sans dire son mot, tout cela le rebute. Il crie bien haut ce qu’il pense. Il exprime sa pensée, ses opinions en toute liberté sans faire référence à un quelconque catéchisme. Il vit la vie qu’il a choisi sans s’enfermer dans un rôle. Même celui du poète. Rimbaud a surement eu conscience de ce qui l’attendait s’il continuait à écrire et s’il restait sur place. Il eut envie d’une autre vie.
Je perçois Rimbaud comme cela à travers ses écrits, mais surtout sa vie. Sa vie d’écrivain surement, mais également sa vie après l’écriture. Rimbaud est inclassable. Chacun voit Rimbaud a sa manière, un peu comme cela l’arrange, et moi aussi sans doute. Chacun le pare de ses propres habits. Chacun se l’approprie et lui fait porter ses rêves, ce qu’il est et peut-être bien plus, ce qu’il voulait être et qu’il n’est pas.
Rimbaud quitte l’Europe à 20 ans. Il cesse d’écrire. Il commence une autre vie. Il veut vivre une autre vie, être un autre, penser différemment. Il rejette ce qu’il a été et qui peut être l’a déçu. Il le dit dans le Bateau ivre : « Les aubes sont navrantes ». Il est mort à 37 ans. Sûrement, a-t-il eu la prescience de sa mort. A 20 ans, a-t-il compris qu’il était à la moitié de sa vie ? Alors, il souhaite surement que les années qui vont suivre soient différentes. Il va vivre une autre vie et penser autrement. Cesser l’écriture est surement pour lui une nouvelle forme de révolte. Une révolte contre une société qui voulait l’enfermer dans le statut de poète et Rimbaud ne supporte aucun statut. Il ne finira pas l’Académie française. Il ne voulait pas se retrouver du côté des plus nombreux, devenir prisonnier de l’admiration réelle ou feinte du monde qui l’entourait. C’était surement pour lui un plaisir jouissif de se sentir rejeter, voué au diable. Alors, il part. Les fleuves l’ont laissé descendre où il voulait.
En résumé, voici, quelques vers.
Révolte, voici mes larmes, voici mes pleurs.
Délivre-moi du bien, poète, je t’implore.
Toi qui connus l’opprobre et puis l’humiliation,
Viens, fais-moi partager tes illuminations.
Et pour la liberté et par la solitude,
J’ai arraché de moi leurs pales certitudes.
Idées bien pensantes qui partout prolifèrent.
Et je partis pour une saison en enfer.
Rêveur impénitent allongé sur la berge,
Je cherchais l’étoile que la folie héberge.
Ivre d’une errance, le bateau que je pris
Dériva sur les désordres de mon esprit.
Conscience de l’inconscient, nuit originelle,
Utopie, hors du temps, images obsessionnelles.
La vision d’un visage, tourments affectifs,
Transport dans l’abime des élans primitifs.
Vomissant les relents de leurs pensées funèbres
Survint la lumière, traversant mes ténèbres.
Je me suis délivré de ce qui asservit.
J’avais quinze ans, pas plus, tu m’as sauvé la vie.
Tu m’as donné le souffle, tu m’as pris la main.
Tu m’as aidé à vivre au moins jusqu’à demain.
Je n’étais pas comme eux, je n’étais pas commun.
Ils étaient si nombreux et moi, je n’étais qu’un.
Et si j’ai malgré moi dû entrer dans la danse,
J’ai malgré tout vécu en gardant ma cadence.
Ma jeunesse est passée. Ton empreinte est restée.
Je suis toujours pareil, je peux en attester.
Je pense avec doute, mais toujours sans censure
Quel que soit le propos, quel que soit la blessure.
La révolte renait, soubresaut de la chair
Que la pensée anime, ultimes surenchères.
A 20 ans, j'étais révolutionnaire. Mais, je voulais révolutionner ma vie pas la société. La société peu m'importait. Rimbaud écrivait "changer la vie". Changer sa vie, pas le monde ou changer son rapport au monde.
Je n’aime pas la droite et la gauche m’emmerde. Dans une réunion, entouré de gens de droite, je deviens révolutionnaire simplement pour voir la tronche qu’ils tirent. Face à des mecs de gauche j’ai un discours de droite voir d’extrême droite, et pourquoi pas, ça dépend de l’avancée de la soirée, de la forme du moment et aussi, il faut bien l’avouer, de ce que j’ai picolé. Je deviens écologiste devant des climato-sceptiques. Je nie le réchauffement climatique en présence des petits bonhommes verts, rien que pour leur donner des boutons. Quand j’entends des propos racistes me vient l’envi de cracher à la gueule de ces connards. Face à des activistes antiracistes, je laisse volontairement planer des doutes sur mes convictions. C’est comme ça. Même si le racisme me répugne. Je suis athée avec les croyants, mais il me plait de défendre la religion devant un parterre de bouffeurs de curés. Je peux être rationaliste jusqu’au bout des ongles et puis subitement venir à la rescousse de pensées les plus mystiques.
Peut-être parce que je porte toutes ces idées en moi… ou que j’aime bien emmerder le monde. Emmerder pour le plaisir. Surement. Mais aussi parce que tout n’est pas blanc ou noir et que les raisons de l’autre m’importe. Penser, c’est toujours laisser dans notre univers intellectuel de la place pour les idées des autres.
Je ne peux pas me sentir d’un camp. Je veux dire d’un seul camp. Je ne peux être d’un parti, d’un syndicat, d’une école de pensée, d’un clan, d’une chapelle. Je ne veux pas d’un collier et d’une laisse, d’une obligation ou d’une seule manière d’être et de penser. Penser, vient du latin « pensere » qui signifiait peser. Penser, c’est peser le pour et le contre. C’est mettre en balance des arguments contradictoires. Et selon, les plateaux de la balance peuvent aller d’un côté ou de l’autre. Donc penser, c’est quelques fois pencher d’un coté, quelques fois de l’autre. Certains pensent toujours pareil. C’est parce qu’ils ne pensent pas. Ils pensent juste ce qu’il faut. Raisonnablement. Ils pensent comme ils baisent. Juste pour l’hygiène.
J’ai des convictions qu’il me plait de défendre bec et ongles, le cas échéant bien sûr. Mais toujours le doute est en moi. Et, si j’avais tort ou que les arguments des autres possédaient aussi une part de vérité aussi minime soit elle. Ne mériterait-elle pas que je l’accueille. D’ailleurs penser sans douter, est-ce encore penser ? Penser sans douter, c’est monstrueux. L’absence de doute n’a fait qu’engendrer des monstres. Et puis j’aime trop ma liberté de penser. Ne faire que relayer la parole d’une organisation ou d’une école de penser m’est tout simplement insupportable, même s’il faut le payer au prix de la solitude et de l’opprobre.
Je ne supporte pas d’être le bon petit soldat d’un idéal, d’une idéologie, d’une religion, d’une cause, même la plus belle, à servir coute que coute. Je n’ai pas l’âme militante. On me l’a reproché. Le militantisme, peut avoir ses lettres de noblesse, je l'admets. Mais j'ai bien peur d’en être pour toujours indigne.
Et puis penser, c’est savoir s’élever au-dessus de la banalité du quotidien, là où la mélancolie est sans limite… d’une infinie tristesse.
Nous voilà, bien loin de Rimbaud me direz-vous. Rimbaud ? Ah, oui, Rimbaud !
Vers le mois de mars 1950, un indien de Guyane retrouve du matériel abandonné et un carnet de voyage. La nouvelle ne sera connue en France métropolitaine qu’au mois juillet suivant. Il s’agit de celui de l’explorateur Raymond Maufrais parti, le 26 septembre 1949, pour rejoindre à pied avec la seule compagnie de son chien les mythiques monts Tumuc-Humac et ainsi établir la jonction Guyane-Brésil par le fleuve Jari.
Quelques années au paravent en 1946, après avoir avec son père participé à la Résistance, il se lance au Brésil dans une expédition au Matto Grosso. L'entreprise n’est pas un réel succès. Il récidive en 1947, cette fois avec plus de réussite. Il revient en France pour entreprendre la rédaction de son ouvrage : « Aventures au Matto Grosso ». Deux années en plus tard, il décide de se lancer dans une nouvelle aventure. On ne le reverra jamais. Son carnet de voyage sera édité sous le titre : « Aventures en Guyane ».
Dans les années 1954-1955, j’étais enfant. Evidemment, je n’avais jamais entendu parlé de Raymond Maufrais. J'entendais la radio lorsque mes parents l’écoutaient. Nous prenions "Le crochet radiophonique" de Zappy Max, «" Malheur aux barbus, Signé Furax ", " Bonjour les amis " sur radio Luxembourg etc… et puis aussi les informations et les " réclames ".
C’est comme ça qu’à l’époque, j’ai entendu parler de cette histoire, à laquelle je ne prêtais guère d’attention, d’un homme parti à la recherche de son fils disparu dans la forêt amazonienne quelques années plus tôt et qu’il continuait à chercher malgré les échecs répétés. On en parlait aussi autour de nous. Les uns pour le trouver admirable, les autres le prenaient pour un illuminé sympathique, quelques uns encore lui réservaient de la moquerie et parfois du mépris comme généralement tous ceux qui se sentent incapables d’accomplir des actes sortis de l’ordinaire car des gens comme Maufrais les mettent face à leur propre lâcheté, à leur esprit véléitaire, à une vie différente dont ils rêvent et qu’ils n’auront jamais. Ils veulent à ces gens là, faire payer leur médiocrité.
Les livres d'Edgar et Raymond Maufrais publiés dans la collections Points
Le 18 juiillet 1952, Edgar Maufrais, le père de Raymond, quitte la France pour partir à la recherche de son fils persuadé qu’il vit toujours quelque part. Il avait 52 ans. Ce projet était le sien depuis que le 7 juillet 1950, il appris par la presse la disparition de son fils. Il passa douze années de sa vie en expédition au prix de multiples privations, d’éfforts démesurés, bravant tous les dangers. Il découvrit des lieux et des tribus dont à l’époque personne n’avait connaissance. Malgré ces recherches obstinées, il ne retrouvera jamais son fils ni même un indice lui permettant de connaitre le sort qui a pu être le sien. Du journal de ces expéditions sera tiré le livre : « A la recherche de mon fils ». Epuisé, il rentrera définitivement chez lui à Toulon en 1964, à l’âge de 64 ans. Il mourut dix ans plus tard.
Une association " Les amis de Edgar et Raymond Maufrais " contribue à garder vivante leur mémoire. Pour en savoir plus et consulter son site cliquez sur le lien suivant : aeerm.free.fr
Il existe un documentaire "Au nom du fils" de 2003 sur l'expédition d'Edgar Maufrais (écrit et réalisé par Philippe Jamain - ABER Images). Celui-ci n'est apparemment plus disponible sur Youtube. Peut-être, le retrouverez-vous ?
L'oisiveté est un vilain défaut, dit-on. Il est pourtant des jours où l'on a raison de ne se consacrer à rien. Je flânais l'esprit ouvert à tout et à pas grand-chose, absorbé à ne surtout rien faire ni rien penser. Fouillant bien innocemment dans le bac d'un bouquiniste, je découvre un livre petit format, édité chez Grasset, de J.K. Galbraith, un essai intitulé " Les mensonges de l'économie ".
L'auteur ne m'est pas inconnu. Je l'ai découvert dans les années 1970. A l’époque, je faisais des études de Droit et d 'Economie, tout en rêvant voyages et grands espaces. Bref, je « m’emmerdais ». Il a été pour moi comme une bouffée d'air dans ce monde compassé de l'Université. Depuis ce temps, il fait partie, pour moi, des économistes (un peu comme Bernard Maris) qui savent mettre leurs connaissances à la portée de tous et qui n'hésitent pas à sortir de leur discipline pour voir plus loin que le bout de leur théorie. S'ils ont une démarche de sérieux scientifique, ils ne réduisent pas la vie et la réalité du monde à quelques courbes qu'ils nous assènent comme la preuve de vérités indiscutables. Ces gens m'horripilent et leurs courbes aussi. Pour les courbes, soit dit en passant, il en est d'autres plus agréables.
Mais ce n'est pas là que je voulais en venir.
Je feuillette le livre dans le plus grand désordre et revenant à l'introduction, je trouve ces quelques passages :
"[...] il faut comprendre qu'il existe un décalage permanent entre les idées admises [...] et la réalité. Et, au bout du compte, on ne s'en étonnera pas, c'est la réalité qui compte." Il faut espérer que oui, mais la force des moyens de communication des puissants et des menteurs de tous poils, conjuguée à la bêtise assumée de ceux qui les écoutent et les croient, peut, à certains moments de découragement, nous en faire douter.
Plus loin : "j'en ai conclu que la réalité est bien plus brouillée par les inclinaisons sociales ou individuelles, ou par les intérêts financiers de tel ou tel groupe, dans le domaine économique ou politique que dans tout autre domaine."
Et puis, il précise : " [...] sur la base des pressions financières et politiques et des modes du moment, la théorie et les systèmes économiques et politiques en général cultivent leur propre version de la vérité. Une version qui n'entretient aucune relation nécessaire avec le réel. Personne n'est particulièrement coupable : on préfère, et de loin, penser ce qui arrange chacun. [...] Ce qui arrange chacun, c'est ce qui sert ou ne gêne pas les intérêts économiques, politiques et sociaux dominants. La plupart des auteurs de ces " mensonges " [...] ne sont pas volontairement au service de ces intérêts. Ils ne se rendent pas compte que l'on façonne leurs idées, qu'ils se font avoir. Rien de juridiquement répréhensible [...] Et aucun sentiment sérieux de culpabilité, mais très probablement, de l'autosatisfaction."
Voilà quelques phrases qui font du bien à entendre et qui, indépendamment des chapitres, de l'ouvrage, qui suivent, disent clairement de simples vérités.
John Kenneth Galbraith, est né le 15 octobre 1908 à Iona Station - Ontario (canada) et mort le 29 avril 2006 (à 97 ans) à Cambridge (États-Unis). Il fut le conseiller économique de plusieurs présidents des États-Unis. Il a été diplomate. Il a également enseigné dans les années 1970 dans plusieurs universités européennes.
Il développe une théorie s'inspirant de Keynes et des Institutionnalistes, tout en restant très hétérodoxe. Il sera très critique vis-à-vis de la politique de dérégulation menée par Ronald Reagan et de l'intégrisme économique de Milton Friedmann.
Se situant parmi les keynésiens de gauche, Galbraith critique la théorie néo-classique de la souveraineté du consommateur ainsi que du rôle autorégulateur du marché. Galbraith construit la notion de "technostructure" qu'il développe dans "Le nouvel État industriel" (le pouvoir dans les entreprises n'est plus aux mains des actionnaires, il a été confisqué par les "managers" qui ont ainsi crée une nouvelle classe, une sorte de bureaucratie et celle de "filière inversée" dans son livre " L'Ère de l'opulence ". Le principe est le suivant : « Ce sont les entreprises qui imposent des produits aux consommateurs, et non l'inverse ». Autrement dit, il considérait que la notion d'économie de marché n'était en aucun cas pertinente et ne pouvait refléter ni expliquer la réalité.
Sur l'économie de marché, voir également sur ce site l'ouvrage de Karl Polanyi " La grande transformation. de Karl Polanyi, écrit en 1944 et décrivant la " société de marché " comme une construction socio-historique et non comme une donnée de la culture humaine."
Il écrira tout au long de sa carrière de nombreux ouvrages pour expliquer sa pensée.
J'ai découvert Galbraith avec son ouvrage " Le nouvel État, industriel ", paru en 1967. Le ton du livre m'avait séduit. Bien que les démonstrations, auxquelles il se livrait, soient solides et fort étayées, le ton contrastait avec les économistes qu'ils m'étaient donnés de lire à cette époque. Je me souviens d'un propos sur la nécessité pour l'école libérale classique de ne pas intervenir pour l'État dans le jeu de la libre entreprise. Et Galbraith écrivait : (je cite de mémoire) : "Il est autant jouissif de prendre la main dans le sac un tenant de cette théorie touchant des subventions d'État, que de surprendre un raciste à la sortie d'un bordel noir ".
Le personnage m'avait paru attachant et sortant des conventions de langage du monde feutré de l'économie. Pour moi, il ne devait pas être comme tous les autres, que ce soit dans la forme comme dans l'analyse et dans les conclusions qu'il en tirait.
En lisant, cet ouvrage trouvé par hasard, je me dis que les écrits de 1967 de Galbraith n'ont pas vieillis même s'ils demanderaient sans doute une actualisation et qu'il a gardé de cette époque une fraicheur d'esprit, une recherche de la vérité et une exigence de lucidité, sans soucis de compromission. Je crois que John Kenneth Galbraith écrivait et pensait sans crainte de déplaire. Et les gens qui n'ont pas peur de déplaire sont ceux qui me plaisent.
Ça s'est passé un mardi. A 11 h 52, la Moneda a été bombardée. A l'époque, je n'avais jamais mis les pieds en Amérique du Sud, mais j'étais déjà passionné par l'histoire de ce continent. Quelques années au paravent, j'avais rédigé un mémoire sur l'Unité Populaire chilienne qui avait amené au pouvoir Salvador Allende et qui, ici en France et en Europe, avait suscité de nombreux espoirs. Une coalition de gauche arrivait au pouvoir, sur le continent américain, par les urnes. C'était une coalition des partis chiliens de gauche et de centre gauche composée par le Parti socialiste, le Parti communiste, le Parti social-démocrate, le Mouvement d'action populaire unitaire (MAPU), l'Action populaire indépendante (API) et la gauche chrétienne. Ce que l'on a nommé " l'expérience chilienne " a duré 1 000 jours. J'ai appris la nouvelle par la radio. C'était le 11 septembre. Un choc. Un espoir d'alors s'envolait. Il y en eut d'autres. Politiques ou affectifs.
Le 11 septembre 1973, un coup d'Etat militaire renversait le gouvernement légalement élu, appuyé ou pour le moins approuvé par les Etats-Unis. Il s'ensuivit une répression impitoyable faite d'enlèvements, de tortures, d'exécutions, de disparitions d'opposants politiques. L'opinion et la presse internationale se sont emparées de cette situation, dénonçant ce qu'il est convenu d'appeler pudiquement "une atteinte aux droits de l'homme". Mais la répression politique et sa dénonciation ont caché une autre atteinte aux droits de l'homme, l'instauration d'un ordre économique que l'on qualifiera de néo-libéralisme s'inspirant des théories de Milton Friedmann et mis en place en grande partie par des économistes chiliens et état-uniens, les " Chicago-boys ", du nom de l'université où Milton Friedmann enseignait.
Tout laisse à penser que depuis de longue date le Chili avait été choisi pour servir de "laboratoire" à cette théorie qui devait par la suite inspirér des " leaders " politiques comme Donald Reagan ou Magaret Tatcher avant qu'elle s'étende à la manière d'une pandémie.
L'idée germait depuis longtemps. En 1956, sous le patronage de l’Université de Chicago, un accord fut signé avec l’Université catholique du Chili. Celui-ci permettait à des étudiants boursiers chiliens de poursuivre leurs études en économie à Chicago. La conséquence en fut la transformation de l’enseignement économique au Chili. Par la suite furent organisés des cours d’économie qui ont été spécialement conçus pour des dirigeants d’entreprises ou politiques. Tout ceci déboucha sur une proposition d'élaborer un programme économique. Un groupe commença la rédaction d’un "programme de développement économique", connu plus tard sous le nom de « El ladrillo » (la brique en français).
Ce programme qui avançait masquer sous couvert d'économie, consistait pour résumer à privatiser tous les services publics (santé, éducation, énergie, protection sociale, infrastructures, ouverture sans restriction à la concurrence internationale, etc.) est aussi une philosophie politique, qui a séduit de nombreux hommes politiques européens de droite comme de gauche avec heureusement des conséquences moins graves sur la vie des citoyens de nos pays.
La mise en place d'un nouvel ordre politique et économique était, à mon avis, prévu depuis longtemps. Sans doute bien avant l'arrivée au pouvoir de l'Unité Populaire qui n'a été qu'un prétexte pour perpétrer ce coup d'Etat.
En résumé, on a abandonné le peuple, sans aucune régulation, à la loi du marché au profit des forces économiques. La dictature a fini avec le départ de Pinochet en 1990. Mais la constitution qui livrait toute une partie de la population aux lois sauvages de l'économie a perduré jusqu'à nos jours. Un des défis majeur du Président chilien actuel est de trouver un compromis acceptable avec toutes les forces politiques du pays pour changer cette constitution.
4 décembre 1972
Savaldor Allende, élu deux ans auparavant président de l’Etat chilien, prononce à New-York un discours devant l’assemblée des Nations Unies. Il déclare dans un passage :
« Nous sommes face à des forces qui opèrent dans l’ombre, sans drapeau, avec des armes puissantes, postées dans des zones d’influence directe.
Nous sommes face à un conflit frontal entre les multinationales et les Etats. Ceux-ci sont court-circuités dans leurs décisions fondamentales - politiques, économiques et militaires - par des organisations qui ne dépendent d’aucun Etat, et qui a l’issue de leur activité ne répondent de leurs actes et de leurs fiscalités devant aucun parlement, aucune institution représentative de l’intérêt collectif. En un mot, c’est toute la structure politique du monde qu’on est en train de saper. »
Moins d’un an après, il sera renversé par un coup d’Etat militaire, appuyé et approuvé, de longue date par le gouvernement des Etats-Unis. Ce coup d’Etat établira une dictature militaire, mais aussi mettra en place un ordre économique, souvent dénommé « néolibéralisme », mais qu’il faudrait plutôt qualifier d’ultra ou post-libéralisme. Les libéraux du XIXe siècle n’avaient rien à voir avec les « Chicago-boys » qui conseillaient Pinochet. Cette idéologie, car s’en est bien une, venait, entre autres, des théories de Milton Friedmann qui dirigeait la section économique de l’université de Chicago.
Le Chili avait été choisi pour devenir le laboratoire de la mise en place de ses théories qui allaient essaimer dans le monde entier par des méthodes moins violentes, mais avec la complicité d’hommes politiques de droites et la trahison de politiciens de gauches.
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Vous travaillez comme caissière dans un supermarché ou chef comptable dans une entreprise. Vous faites une erreur conséquente. Vous recevez un avertissement voir, vous êtes licencié. Tout cela n'est pas à proprement parlé scandaleux.
Vous êtes livreur. Vous perdez en nombre de la marchandise. Vous aurez à répondre de votre négligence et encore une fois personne ni trouvera à redire.
En janvier 2010, deux économistes, diplômés de Harward, Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff publient une étude (Growth in the time of debt, National Bureau of Economic Research). Cette étude eut immédiament un grand succès.
Elle démontrait que depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, un endettement public supérieur à 90% du PIB entrainait une baisse conséquente de la croissance, provoquant donc une récession et aurait sur celle-ci un impact sur plusieurs années. Dans ce cas l'étude montre que la croissance tomberait alors à -0,1%.
Carmen Reinhart a travaillé plusieurs années au FMI, où elle était en dernier lieu directrice adjointe du service des études. Elle est professeur d’économie et directrice du Centre pour l'économie internationale à l’université du Maryland. Elle siège aussi dans divers organismes, notamment au Council on Foreign Relations.
Kenneth Rogoff est diplômé du Massachusetts Institute of Technology. Il est professeur d'économie et de politique publique à Harvard. Il siège également dans plusieurs organismes officiels dont le Council on Foreign Relations et le comité consultatif de la Federal Reserve Bank of New York.
Cette étude a beaucoup servi de référence à de nombreux dirigeants et responsables d'organismes internationaux, pour permettre de justifier les politiques d'austérité préconisées dans la zone euro et par le FMI.
C'était là des travaux qui faisaient autorité et qui ont poussé certaines personnalités politiques à promouvoir l'austérité. En particulier, le vice-président de la Commission européenne, Olli Rehn, y avait fait référence, dans une communication aux ministres européens des Finances. Il expliquait ainsi que lorsque la dette dépassait le fameux seuil critique de 90%, cela impactait de façon négative l'économie ralentissant la croissance pendant de longues années. C'est en se fondant sur cette étude, notamment, que Paul Ryan, aux Etats-Unis est parti en guerre contre le déficit public. Les conclusions de l'étude de Reinhart et Rogoff ont ainsi joué un grand rôle dans le débat dans les années 2010-2013 sur l'austérité budgétaire.
Thomas Herndon, étudiant doctorant de 28 ans à l'université du Massachussetts Amherst décida d'étudier le travail de Reinhart et Rogoff car politiquement intéressé par le débat sur l'austérité et inquiet de l'impact des politiques économiques sur la vie des gens. Il avait en outre des doutes sur le bien-fondé des politiques de réduction drastique des déficits. Il refait des calculs et soupçonne que quelque chose ne va pas dans les formules. Des données critiques sont tout simplement exclues des moyennes.
Les auteurs de cette étude ont commis deux erreurs majeures. Ils ont oublié d'intégrer dans leurs calculs cinq pays de l'OCDE qui contredisent leur théorie (l'Australie, l'Autriche, la Belgique, le Canada et le Danemark). Les auteurs auraient ainsi laissé de côté certaines données comme le montre le tableau ci-dessous. Cet oubli était-il intentionnel ou involontaire ? Impossible à dire. Cependant, un mécanicien qui oublie de serrer une roue et provoque un accident, on ne cherche pas à savoir s'il l'a fait exprès. On le sanctionne. De plus, il découvre des erreurs dans les formules de leur tableur excel utilisé. Ainsi, l'étude et ses conclusions reposent sur des données incomplètes et des erreurs de calculs.
Thomas Herndon et ses deux professeurs, Michael Ash et Robert Pollin décident de publier une nouvelle étude en avril 2013. En reprenant la même période, les trois économistes estiment que la croissance économique des pays avec ce ratio de dette a en réalité été de +2,2%. Dans leurs travaux, les économistes montrent ainsi que lorsque la dette est comprise entre 90 et 120% du PIB, la croissance deviendrait alors de 2,4% et qu'elle serait de 1,6% lorsque la dette dépasserait 120% du PIB.
Par conséquent, ils assurent que ces nouvelles conclusions doivent conduire à revoir "les objectifs d'austérité" défendus en Europe ou aux Etats-Unis.
Citons le Portugal en 2018, pour donner un exemple qui ne vient pas de simulations économiques. Avec un taux d'endettement de 146% du PIB, le Portugal a réussi sans imposer une quelconque politique d'austérité de ramener son chômage de 17 à 8%, de maitriser l'inflation à 1,3%, d'avoir un déficit budgétaire de 2,1% du PIB avec un taux de croissance pour l'année qui s'est achevée de 2,8%. Du jamais vu depuis plus de dix ans.
Il s'est trouvé des économistes pour prendre la défense de Reinhardt et Rogoff qui ont alors clamé que leurs conclusions étaient justes, malgré ces erreurs. C'était comme qui dirait juste une erreur ! En conclusion, l'erreur est juste. Vous ne comprennez pas pourquoi une erreur peut-être juste. Ne cherchez pas, vous n'êtes ni économistes ni diplômés d'une grande université américaine, vous n'avez pas travaillé non plus à un poste de responsabilité du F.M.I. comme "directrice adjointe du service des études", vous ne siégez pas dans un comité consultatif de la "Federal Bank of New York". Tout çà vous échappe forcément.
Quant à nos deux compères, ils doivent, quelque part dans la sphère des milieux universitaires, continuer à pérorer, pardon, faire bénéficier de leur science quelques dirigeants politiques ou institutions internationales. Suite à ce désaveu, les tenants du "moins d'Etat" et de la baisse massive des dépenses publiques, n'ont aucunement révisé leur position. Mais à ce stade, on n'est plus dans le débat scientifique, mais dans la croyance. L'économie pour certains n'est pas une science, mais une idéologie politique voire même une religion aux dogmes indiscutables.
Richard Jean Pierre.
Au XIIe siècle, les "courratiers de change" étaient chargés en France de contrôler et réguler les dettes pour le compte des banques. De là vient le nom de courtiers. Ils se réunissaient sur le Grand Pont à Paris. C'est cette activité qui lui donnera son nom actuel : le pont au Change.
Le terme de bourse apparaît au début du XIVe siècle, à Bruges en Flandre. Le nom vient de la place Van der Buerse, du nom d'une famille de la cité, qui était un lieu d'échange pour les marchands de Bruges. Avec le temps, on s'est mis à dire qu'on allait à la Buerse. En 1309, le phénomène s'institutionnalise par la création de la Bourse de Bruges. Elle est rapidement suivie par d'autres, en Flandre et dans les pays environnants. La première bourse organisée en France voit le jour à Lyon en 1540.
On trouve un premier krach boursier en 1636 en Hollande. Le cours des bulbes de tulipes étant monté si haut, artificiellement sans doute, le cours s'effondra. Dites-le avec des fleurs ! Si l'on considère la bourse comme une institution dangereuse, il y a là de quoi apporter de l'eau au moulin de ses détracteurs.
Au XVIIe siècle, les Hollandais sont les premiers à utiliser la Bourse pour financer des entreprises. C'est en 1688 qu'on commence à coter les actions et obligations à la bourse de Londres.
La bourse de Paris est créée en 1724. Mais c'est en 1774 que, les cours seront désormais obligatoirement criés, afin d'améliorer la transparence des opérations.
A l'origine, la bourse a été instituée pour que les entreprises puissent se créer et par la suite financer leurs projets de développement. Une entreprise a deux solutions pour trouver de l'argent : soit l'emprunter auprès des banques, soit aller en chercher sur les marchés en émettant des actions. Dans le premier cas, elle devient débitrice de la banque à laquelle elle devra à échéance rembourser le montant emprunté. Par contre, la banque n'est que prêteuse et non " copropriétaire " de l'entreprise. Les entrepreneurs restent les seuls propriétaires. Dans le second cas, d'une introduction en bourse, les actionnaires détiennent une partie de l'entreprise et en sont donc " copropriétaires " à du concurrence de leur apport. L'entreprise n'a pas à rembourser les actions mises sur le marché. Par contre, selon les bénéfices réalisés et selon ce que va décider les instances dirigeantes, les actionnaires pourront percevoir des dividendes. Dans le premier cas la banque ne reçoit pas de dividendes, mais touchera des intérêts pour le capital prêté.
Lorsqu'elle choisit cette deuxième solution, elle a besoin de pouvoir rencontrer les investisseurs, professionnels ou particuliers, pour leur " vendre " son projet, c'est-à-dire convaincre les futurs actionnaires de l'accompagner dans son développement... La Bourse est donc un marché où les sociétés cotées vont à la rencontre les investisseurs.
Ensuite, lorsque les actions auront été mises sur le marché la bourse fonctionne comme sur un marché, ",traditionnel ", où des commerçants rencontrent des consommateurs. En effet, les actionnaires pourront vendre à d'autres particuliers ou entreprises les actions acquises. Ils pourront à cette occasion réaliser une plus-value ou... une perte, selon qu'ils vendent plus ou moins cher que le prix auquel ils ont souscrit. C'est un lieu où les acheteurs côtoient les vendeurs en direct et en continu durant chaque séance de cotations. Concrètement, il y a transaction lorsqu'un vendeur et un acheteur s'entendent sur le prix de transaction d'une ou de plusieurs actions, ce qui équivaut à une part du capital de l'entreprise qui change de mains...
Pendant longtemps, depuis le début du XIXe siècle, les cotations ont eu lieu à la "criée". Les agents de change se réunissaient, autour de ce qu'à Paris, on appelle la corbeille, chaque jour à midi, pour déterminer le prix des actions inscrites à la cote, en fonction de l'offre et de la demande. Il y avait donc un seul prix de référence journalier pour chaque entreprise... Avec la fin des années 80, s'est terminée cette pratique. Les transactions ont été, depuis cette époque, dématérialisées. C'est-à-dire que les échanges se déroulent désormais par informatique, sans rencontre "physique", tout au long de la journée. La valeur d'une action évolue donc "en continu" au cours de la séance en fonction des ordres qui alimentent le marché.
Afin de donner aux investisseurs un indicateur reflétant la tendance du marché qui est donc composé de plusieurs centaines d'entreprises, les principales bourses mondiales ont créé des indices de référence : en France, le plus connu est bien entendu le "CAC40" qui regroupe 40 sociétés jugées les plus représentatives de la bourse de Paris. Quand la majeure partie des titres monte, le CAC progresse et inversement... Les autres indices les plus suivis par les boursiers sont le Dow Jones et le Nasdaq à Wall Street, le Nikkei à Tokyo ou encore le Dax à Francfort et le Footsie à Londres...
Tout cela parait tout beau. En effet, cela l'est quand ces flux financiers permettent d'alimenter l'économie réelle et de créer et développer des entreprises qui créeront de la richesse et des emplois. Mais la bourse a aussi un côté nuisible quand les mécanismes mis en oeuvre autorisent une spéculation financière sans rapport avec la réalité de l'économie.
Alors, l'ennemi, c'est la finance ! Oui et Non ! C'est comme tout. La bourse est sans doute utile à condition de lui donner des règles pour l'orienter dans la direction souhaitée. Et ça, ça se nomme la POLITIQUE.
Une chose est sûre la bourse doit faire l'objet de régulation sauf évidemment pour les tenants de l'"extrême-libéralisme". Il faut enlever à cet outil de spéculation sa capacité de nuisance. Peut-être pourrait-on supprimer la cotation automatique en continu pour éviter une spéculation à très court-terme et aussi moduler l'impôt sur les plus-values boursières en fonction de la durée du placement ?
Mais pourrait-on supprimer la bourse ? Voici trois articles à consulter pour y voir de plus près (en cliquant sur les liens ci-dessous) :
Le fléau de la cotation en continu.
Un des reproches souvent fait à la bourse est sa vision à court-terme. Pour remédier à ce travers, certains aux Etats-Unis se proposent de créer une nouvelle plate-forme boursière, la "Long Term Stock Exchange". Une demande d'autorisation a d'ailleurs été déposée auprès des autorités financières compétentes américaines.
Le but est de transformer le fonctionnement managérial des sociétés cotées. Plus les actions seront conservées longtemps en portefeuille, plus elles auront du poids lors d'un vote en assemblée générérale. Les dirigeants rémunérés par des actions ne pourront les vendre avant cinq années. Dans le même état d'esprit, les bonus ne pourront dépendre d'objectifs à court terme.
Mais ces principes ne sont peut-être pas dénués d'arrière-pensées. Quelques esprits chagrins y trouvent un moyen pour les principaux investisseurs des entreprises d'avoir une emprise plus forte sur les autres actionnaires.
Richard Jean Pierre.
21 décembre 2017. Mais cette article a conservé toute son actualité.
La provocation est parfois utile et salutaire. Mais, je n'apprécie pas la "provoc" pour la "provoc". Il m'est arrivé de m'agacer aux propos ou aux gesticulations de François Ruffin que j'aime bien par ailleurs (j'ai failli écrire en même temps). Aurait-il dû venir à l'Assemblée Nationale avec le maillot de football de son club ? Je laisserai le soin à d'autres, sans doute bien plus compétents que moi en matière vestimentaire, de trancher.
Par contre, j'ai bien aimé sa lettre ouverte au président de l'Assemblée nationale, François de Rugy. Elle pose un vrai problème de démocratie. Le problème n'est pas nouveau dans nos sociétés modernes et technocratiques. L'exubérance de Ruffin a le mérite de le mettre ou de le remettre en perspective. La voici !
"Lettre ouverte à François de Rugy: l'Assemblée est nue ?
Monsieur le président,
Ce mercredi 20 décembre, en conseil de discipline, vous allez devoir trancher : faut-il me sanctionner pour le "déshonorant" et "indigne" port du maillot d'Eaucourt-sur-Somme dans l'hémicycle ?
Avant que cette grave question ne soit tranchée, et mon martyr achevé, je viens vous en poser une seconde : de quoi, au fond, le maillot d'Eaucourt-sur-Somme est-il le nom ?
Je ne voudrais pas vous parler de sport.
Ni même d'associations, ou de subventions.
Mais de notre Assemblée, de notre Constitution.
Notre histoire s'est offert des crises parlementaires. Il ne nous reste que des crises vestimentaires. En quelques mois, j'en ai connu trois : le non-port de cravate, la chemise hors du pantalon, et donc le maillot d'Eaucourt-sur-Somme. A chaque fois, l'hystérie m'a surpris, l'emportement de collègues députés, des médias, ou de l'institution.
Et puis, enfin, aujourd'hui, j'ai compris.
De la "loi travail numéro 2" à celle sur "la moralisation de la vie publique", de la "Sécurité intérieure" au "budget de la sécurité sociale", en un semestre déjà, il ne faut pas être bien malin pour s'en rendre compte : l'Assemblée, supposée "législative", ne fait pas la loi.
Ces textes nous tombent de l'Elysée, après un passage par les ministères et le Parlement sert de chambre d'enregistrement, gavé de lois comme des oies, siégeant du lundi au vendredi, jusqu'à une heure du matin. Nous suggérons certes des milliers d'amendements, pour se donner l'air important. Nous affichons notre fierté, victorieux quasiment, lorsque avec l'assentiment du gouvernement, une virgule d'un alinéa est déplacée.
Je le savais depuis longtemps, en théorie. Je l'avais observé de loin, comme simple citoyen, sous Hollande, sous Sarkozy, sous Chirac. Mais c'est autre chose, tout de même, de l'avoir sous le nez au quotidien, d'y être en butte chaque matin. A découvrir, comme ça, la toute puissance de l'exécutif, qui est en fait également le législatif, je retiens un cri : "Montesquieu, reviens !"
J'en ai causé, déjà, avec des dizaines de personnes, des juristes et des lambdas, de la majorité et de l'opposition, des députés et des administrateurs, des de gauche et des de droite, et pour tous, pour tous, c'est une évidence : la séparation des pouvoirs n'est qu'une fiction.
Mais c'est une évidence qui se chuchote.
Une évidence qui se murmure.
Une évidence qui ne se clame pas haut et fort.
Tel le jeune enfant qui, dans le conte d'Andersen, Les Habits neufs de l'Empereur, vient crier "Le roi est nu ! Le roi est nu !", je me suis assigné ce rôle: crier "L'Assemblée est nue ! L'Assemblée est nue!" Non par plaisir, mais par regret. Par espoir, aussi, pour qu'elle obtienne un véritable pouvoir, qui lui revient de droit : faire la loi.
Aussi, tous les débats d'aujourd'hui, sur le nombre de députés, sur leurs notes de frais, sur les réformes que vous avez lancées, tous ces débats ne m'intéressent pas, ou peu. Ces discussions masquent la seule interrogation qui vaille à mes yeux : à quoi sert-on vraiment? Quelle fonction nous attribue-t-on? Va-t-on faire la loi, oui ou non?
Et sinon, tant qu'à enlever deux cents députés, tant qu'à faire des économies, pourquoi ne pas y aller carrément ? Pourquoi ne pas supprimer le Parlement tout entier ? Pour conserver une apparence de démocratie ?
Nous y voilà, l'apparence.
Et, j'en arrive enfin au maillot d'Eaucourt-sur-Somme.
Avec mon cri, "l'Assemblée est nue ! L'Assemblée est nue !", je me trompais, sans doute. C'est presque l'inverse qu'il faudrait dire : l'Assemblée n'est qu'habit. De pouvoir, elle n'en a pas, elle n'en a que l'apparat.
Comme beaucoup de nouveaux élus, j'ai fait visiter le Palais Bourbon à ma famille. Dans le salon Delacroix, mon fils Joseph, âgé de neuf ans, s'est planté le nez vers le plafond : " Tu as vu le beau lustre, Papa ? " Et j'ai songé, tu as raison, mon fils, c'est juste du lustre. Mais derrière ce lustre, derrière les dorures, derrière les apparences, le vide.
Derrière, l'insignifiance de notre pouvoir.
Derrière, l'inutilité de notre fonction.
D'où la panique, en fait, lorsqu'on touche à l'habit, qui fait le parlementaire.
C'est notre collègue Thierry Benoit qui a le mieux résumé ça. Dans l'hémicycle, durant mon intervention, durant mon hommage aux bénévoles, il s'égosillait : " Charlot en maillot ! " Je l'ai retrouvé, mercredi dernier, à la Commission des affaires économiques, et j'ai éclaté de rire: " Bah alors? Qu'est-ce qui t'a pris ? T'as pété un câble ? ", je l'ai taquiné. Et lui de me répondre : "Je t'aime bien tu sais, mais là, si on vient en maillot, quand est-ce qu'ils vont nous retirer la garde républicaine ? Quand est-ce qu'ils vont nous ôter les huissiers avec leurs chaînes ? Qu'est-ce qu'il va nous rester ?"
Qu'est-ce qu'il va nous rester, en effet, si on nous enlève les apparences ?
Aussi, Monsieur le président de l'Assemblée nationale, vous me sanctionnerez si vous le désirez.
Mais plutôt que de sauver les apparences, je vous inviterais à entamer un bras de fer avec un autre président, nettement plus puissant : de la République, lui. Pour que notre Assemblée soit habillée de réels pouvoirs. Pour qu'elle ne lui serve pas que de faire-valoir. Pour que les parlementaires ne soient plus ses marionnettes, moi comme Guignol, vous comme Gendarme...
Notre "dignité", notre "honneur" de députés, devraient résider là : engager une lutte avec l'exécutif, pour la séparation des pouvoirs, pour leur rééquilibrage.
Vous pourriez compter sur mon plein et entier soutien.
Respectueusement comme il se doit,"
Elisabeth Borne, une de nos premières ministres, nous laissait entrevoir en son temps qu'elle pourrait, peut-être, réexaminer, éventuellement, la possibilité de taxer les "super-profits. Quelle audace ! Alors que son patron, Emmanuel Macron, n'avait pas retenu cette option.
Geoffroy Roux de Bézieux, président du Medef, s'oppose à la taxation des entreprises qui réalisent ces "super-profits", déclarant que l'Etat était "le plus grand super-profiteur".
Dans le même temps, si j'ose dire tellement la formule est usée, Olivier Faure et Jean Luc Mélenchon proposait la tenue d'un référendum pour trancher la question : oui ou non, faut-il taxer ces "super-profits" ? Compte tenu des conditions exigées pour faire aboutir un "référendum d'initiative partagée" (c'est comme ça que ça s'appelle), il y avait peu de chance que la procédure arrive jusqu'aux votes des citoyens. Certains, ont essayé sur d'autres sujets, sans succès. Cette procédure référendaire, mise en place sous la présidence de Nicolas Sarkozy, l'a sans doute été avec l'idée qu'elle ne puisse jamais s'appliquer.
Dans ce contexte, que proposer pour rétablir un peu de justice sociale et de confiance ?
D'abord, taxer à 80% la part des revenus dépassant un certain seuil. Un ancien président, plus apte à la pratique du scooter qu'à faire aboutir une réforme fiscale, l'avait promis, mais ne l'a pas fait.
Ensuite, pour éviter les risques d'une crise systémique, rendre incompatible les métiers de banque d'affaire et de banque de dépôt.
Il serait également judicieux d'augmenter les salaires et de diminuer le temps de travail. Cela, à mon sens, serait à négocier dans le temps, secteur économique par secteur économique.
Il faudrait taxer les " super-profits " mais surtout, pour assurer la pérennité des entreprises, règlementer dans certains cas la distribution de dividendes aux actionnaires. Le profit réalisé (et ce n'est pas un gros mot) devrait servir en priorité aux investissements de demain, au développement de l'entreprise pour faire face à la concurrence et aux défis technologiques du futur.
Et puis, pourquoi pas, limiter les salaires les plus élevés à 20 fois le salaire le plus bas de l'entreprise, en gros le Smic.
Ces mesures, révolutionnaires ? Mises dans un programme d'un parti politique, aujourd'hui, elles feraient hurler. Beaucoup s'égosilleraient, criant au bolchévisme, à l'inconscience, au gauchisme pré-pubère.
Et bien pour tout dire, la taxation à 80% d'une partie des revenus pour les plus fortunés, existait aux Etats-Unis, sous la présidence d'Eisenhower, venant du Parti Républicain. Eisenhower ne passait pourtant pas pour un dangereux révolutionnaire.
La séparation des banques d'affaires et des banques de dépôt existait également aux Etats Unis qui n'est pas particulièrement un Etat socialiste depuis 1923 en vertu du Glass-Steal Act, jusqu'à ce que Bill Clinton l'abroge en novembre 1999.
En janvier 1914, Henry Ford, grand capitaliste s'il en est et que l'on ne peut suspecter de vouloir mettre à bas les institutions libérales, décident de passer le salaire journalier minimum de son personnel de 2,34 $ à 5 $ et réduit la durée du temps de travail de 9 à 8 heures par jour. Ford voulait lutter ainsi contre l'absentéisme et un fort " turnover ".
Ford, toujours lui, pour assurer la pérennité de son entreprise, refusait de distribuer des dividendes à ses actionnaires. Ceux-ci lui firent d'ailleurs un procès qu'il perdit.
John Piermont Morgan propriétaire de la banque "JP Morgan Chase & Co" et grand manitou de la finance et qui trempa dans des affaires pas toujours très honnêtes, considérait qu'un dirigeant d'entreprise ne devrait pas gagner plus de 20 fois le salaire de l'employé le moins bien rémunéré. Pourtant Morgan, était loin de correspondre à l'idée que l'on se fait d'un gauchiste.
Cela aurait pu donner des idées à Madame Borne et pourrit en donner à ces successeurs ? Quant à Monsieur Geoffroy Roux de Bézieux si jamais... non, je ne pense pas. Laissons-le à ses "super-profits" et nous avançons.
Jean Pierre Richard
La pandémie qui nous a touché, il ya quelqueq années m'a amèné à réfléchir et à regarder plus loin que le bout de la queue de la Covid-19.
Nous nous croyions forts et nous nous sommes révélés faibles dans l’adversité. Nous sommes tellement imbus de nous-mêmes que nous nions notre fragilité. Nous refusons de remettre en cause notre savoir à jamais sacralisé, nos croyances jugées indépassables alors que par certains côtés, nous sommes prêts à céder sur des principes essentiels à l’occasion du moindre mauvais temps. Nous voilà aveuglés par notre arrogance devant les leçons de la vie et anesthésiés par notre confiance absolue dans la science et notre addiction à la technologie.
Nous croyons à un progrès continu et infini capable de tout résoudre en confiant les choix de société à des spécialistes et en leur abandonnant le droit de décider à notre place par ignorance ou fainéantise. Il y a un problème ? Pas de panique ! Un conseil scientifique, une commission quelconque, quelques hauts fonctionnaires, un aréopage d’économistes, etc. va trouver la solution. Les mots science, experts résonnent comme des arguments d’autorité qui viennent interdire toute réflexion critique. Nous avons des spécialistes de tout et en tout genre. Des spécialistes des crises économiques, des spécialistes du chômage, des spécialistes des problèmes climatiques, des spécialistes de la pauvreté, de la faim dans le monde, des spécialistes du terrorisme et de la violence etc. Et pourtant, il y a toujours de la pauvreté, du chômage, des problèmes climatiques, des crises économiques et financières, de la violence, etc. Si c’étaient les spécialistes qui pouvaient résoudre à eux seuls les problèmes, il y a longtemps que ce serait fait. Et si ces donneurs de conseils n’étaient pas la solution, mais le problème. Attention, je ne dis pas que les experts sont inutiles. Nous avons aussi besoin de leurs expertises pour décider. Mais doit-on pour autant leur laisser la décision ?
Cette façon de voir nous vient d’une idéologie répandue depuis plusieurs siècles et qui suspend nos vies à la technologie : le progressisme. Qu’est-ce que le progressisme ? C’est la croyance qu’aujourd’hui est meilleur qu’hier (Hier n’est, soit dit en
passant, pas mieux que le présent. Ne jouons pas les vieux cons, non plus.). C’est aussi penser que demain sera meilleur qu’aujourd’hui. Si cette idéologie est exacte et si nous voguons allègrement sur un fleuve de progrès éternel alors il suffit de nous laisser porter. Nous n’avons plus qu’à nous laisser aller, à bronzer sur une plage bordée de cocotiers en sirotant un cocktail servi par une fille (ou un beau mec, vos orientations sexuelles ne me regardent pas) sortie tout droit de nos fantasmes les plus secrets. Avec cette idée, la vie s’apparente à une carte postale et nous nous fondons dans l'affiche publicitaire pour rentrer dans un monde merveilleux comme Alice traverse le miroir. Alors, laissons ceux qui savent ce que sera demain, choisir et décider pour nous. Qu’ils soient bénis puisqu’ils nous évitent d'avoir à faire des choix en notre âme et conscience et à réfléchir. Il y en a même qui pense qu’ils vont nous rendre immortels. Un président de la Ve République, Monsieur Giscard d’Estaing, avait en son temps déclaré que l’on pouvait diriger la France avec une vingtaine de hauts-fonctionnaires. Nous y sommes presque.
Ainsi, le progressisme en confiant l’avenir à des spécialistes évacue le politique qui est l’art de faire des choix quelques fois douloureux. Il conditionne nos vies à des décisions purement technocratiques rendant inutile le débat démocratique puisqu’il n’y aurait pas d’autres alternatives possibles. C’est ce que nous entendons depuis des années de la part de ceux qui nous gouvernent au plus haut niveau : ” on ne peut pas faire autrement ”, ” il n’y a pas d’autres solutions ”. Organiser la société, trancher pour ou contre, faire des choix parfois difficiles, c’est à dire gouverner, c’est prendre en compte le coté tragique de l’existence. Et prendre en compte le tragique de la vie, c’est réintroduire le politique dans le jeu.
Dans ” L’homme révolté ” Albert Camus écrit : ” Lorsque l’on a assuré que demain, dans l’ordre même du monde, sera meilleur qu’aujourd’hui, on peut s’amuser en paix. Le progrès, paradoxalement, peut servir à justifier le conservatisme. Traite tirée de confiance sur l’avenir, il autorise ainsi la bonne conscience du maître. A l’esclave, à ceux dont le présent est misérable et qui n’ont point de consolation dans le ciel, on assure que le futur, au moins, est à eux. L’avenir est la seule sorte de propriété que les maîtres concèdent de bon gré aux esclaves ”.
On peut également citer l’essayiste Olivier Rey : “Quand les gouvernements prétendent aligner leur politique sur les prescriptions de la science, ils n’assument pas la responsabilité qui leur est propre, et dissimulent leurs choix en simples conséquences de rapports d’expertise.”
Le révolté veut changer l'ordre des choses, car il ne croit pas au progrès ; enfin pas en un progrès automatique. Le progressiste, lui, adhère à l'idée d'un progrès sans fin et inéluctable, à un monde où la technique viendra quoiqu'il arrive, résoudre tous les problèmes. Le progrès étant sans fin et éternel, il ne voit pas la nécessité de se révolter pour faire advenir un monde meilleur. Oui ! A ce titre, le progressisme est bien un conservatisme.
Les choix de société qui constituent les civilisations et influencent les individus qui les composent proviennent sans doute pour partie du rapport que celles-ci ont au temps.
Certaines considèrent le temps comme linéaire. Il y a eu un début. Il y aura une fin. Entre les deux, le temps s’écoule entre ces deux moments. Ce qui a été ne sera plus et demain sera différent d’aujourd’hui. Le temps passé ne revient pas. Le temps perdu ne se rattrape pas. Perdre son temps devient alors une tare, une erreur, un malheur, une perte de sens et peut-être même une faute. Nous venons d'un " âge d'or primordial ", paradis perdu ou mythe du " bon sauvage " des origines. Ensuite, la civilisation a perverti les hommes qui sauront un jour retrouver cet état de grâce par leur intelligence propre ou par le secours de quelques divinités.
Pour d’autres, le temps est perçu comme cyclique. Tout revient toujours. Regardons le passé pour agir aujourd’hui et peut-être comprendre et anticiper demain. Demain ne sera pas inéluctablement meilleur qu’aujourd’hui, et je sais qu’avec le retour du passé tout peut toujours être remis en question. Rien n’est jamais acquis. Tout est toujours à recommencer. Comme Sisyphe sur son rocher. La vie reprend son caractère tragique. Il faut constamment se battre pour ce que nous avons conquis. La liberté ne s’acquiert pas, toujours elle se conquiert. Avec le temps cyclique revient le temps des choix. Le tragique réintroduit le politique, c’est-à-dire l’obligation de décider entre des inconvénients. Si demain, est par nature, incertain, le temps cyclique chasse l’idéologie progressiste qui ne nous promet que des lendemains qui chantent. Les Grecques qui avaient le sens du tragique, connaissaient ce rapport au temps. Le retour éternel, de toutes choses, ramène le passé après une série quasi-illimitée d'événements et de transformations cycliques.
Le christianisme a fait prévaloir dans la conscience collective de la civilisation occidentale l’idée d’un acheminement progressif des siècles vers l’accomplissement final et irrémédiable du temps. C’est peut-être ce que les marxistes, nomment le sens de l’histoire. Il y a de ce point de vue un parallèle entre Christianisme et Marxisme. La notion du temps. Le Christianisme nous parle d’un monde où l’homme chassé du paradis vit dans le péché. Puis Jésus vient, vit et meurt pour racheter l’humanité et lui ouvrir le chemin des cieux. La mort du Christ réconcilie l’humanité et son créateur. Pour les marxistes l’homme est aliéné dans un monde où l’homme est un loup pour l’homme. Puis suivant le sens de l’histoire se produit la révolution qui ouvre à l’humanité une société sans classe et le paradis communiste. La révolution s’apparente ici à la passion du Christ. C’est tellement vrai que certains tenant de cette idéologie ne peuvent concevoir, et même refusent toutes les nouvelles formes d’organisations sociales qui ne seraient pas le fruit de la révolution. La révolution avant tout. Ils ne préfèrent pas de changement du tout plutôt qu’un changement sans révolution.
La pandémie de la Covid-19, nous y revoilà, peut-elle présenter un danger pour les libertés et la démocratie. La pandémie, mais pas seulement, les pratiques habituelles aussi. Elle peut être dangereuse parce qu’elle amène les dirigeants de nos démocraties à prendre légitimement des mesures restrictives des libertés (liberté d’aller et venir, du commerce et) comme cela a été nécessaire pour lutter contre le terrorisme. Et cela a été nécéssaire et encore une fois légitime. Mais avec le Coronavirus en plus les gouvernants se trouvent dans l’obligation de faire appel et finalement de se fier à des spécialistes. Mais comment faire autrement ?
Mais ne risquerait-t-on pas si cela devait perdurer et s’institutionnaliser de remettre la République à un comité de spécialistes, de ” savants ”. Les hommes politiques dans un régime démocratique, en tout cas, sont élus de manière régulière à dates définies et par conséquence révocables par l’élection suivante. Ils sont sujets à la sanction des électeurs s’ils ont failli ou pris de mauvaises décisions. Les gens qui les conseillent qu’ils soient scientifiques ou hauts fonctionnaires, non ! C’est bien là une absence de démocratie et aussi un danger.
Ces conseillers de l'ombre, ne seraient-ils pas ce que certains nomment " l'Etat profond " ?
Dans la même idée, cliquez sur le lien suivant pour revenir aux choix des chapitres : " L'erreur est juste "
Jean Pierre Richard
(**) Extrait du livre de Günther Anders, " L'obsolescence de l'homme ", publié aux éditions IVREA en 1956, que je trouve au hasard de la lecture de cet ouvrage et que je rajoute.
" C'est un fait des plus étranges. Jadis, l'espoir eschatologique était toujours accompagné d'une angoisse apocalyptique, alors que maintenant, le côté apocalyptique de l'affaire reste dans l'ombre, quand il n'est pas complètement gommé. Cela va si loin que lorsque l'on accordait sa confiance à des " sauveurs " tels que Hitler, on se refusait à croire les mauvais augures. Et quand le malheur s'est vraiment abattu, provoqué par ces mêmes " sauveurs ", on n'a rien compris, rien appris : on n'a tiré aucune leçon de l'expérience.
Qu'est-ce qui s'y opposait ?
La croyance au progrès.
C'est la croyance en laquelle nous avons adhéré pendant des générations, la croyance en une progression prétendument automatique de l'histoire, qui nous a privés de la capacité d'envisager la " fin ". [...] Car notre attitude vis-à-vis du temps, notre façon d'envisager l'avenir en particulier, a reçu sa forme de la croyance au progrès et ne l'a pas perdue... [...] Pour celui qui croyait au progrès, l'histoire était à priori sans fin puisqu'il la voyait comme un heureux destin, comme la progression imperturbable et irrésistible du toujours-meilleur.
[...] De la croyance du progrès découle donc une mentalité qui se fait une idée tout à fait spécifique de "l'éternité", qu'elle se représente comme une amélioration ininterrompue du monde ; à moins qu'elle ne possède un défaut tout à fait spécifique et qu'elle soit simplement incapable de penser à une fin. "
Jean Pierre Richard
J'ai le souvenir qu'il y a quelques années, le sauvetage de Notre Dame a suscité de nombreux dons jamais atteints. Ces dons ont choqué certains. Pourquoi autant pour la pierre et si peu pour les humains alors qu'il y a tant de misère et de plus en plus de précarité.
Je n'ai pas envie de rentrer dans la polémique. Mais Notre Dame c'est quand même notre patrimoine, notre histoire commune et cela compte aussi et puis quel que soit le prix, une fois que l'on aura terminé les travaux, la dépense s'arrêtera. Assister les miséreux, cela ne s'arrête jamais. Les deux choses ne sont pas d'une nature identique. Vous trouvez peut-être ces propos choquants.
Prenons un exemple. Si j'ai un ami dont le toit de sa maison s'écroule et que, faute de moyen financier, il ne puisse le reconstruire. La dépense est, supposons, de 300, 400, 500 000 euros. Admettons que je les ai, je les lui prête ou encore mieux, je les lui donne. Une fois le toit terminé, la dépense cessera et je ne déboursera plus un centime. Imaginons maintenant qu'il n'ait pas d'argent pour manger et subvenir à ses besoins les plus primaires. Je lui donne tous les jours de l'argent pour vivre. Compte tenu de mes moyens financiers, cela peut durer plusieurs années, mais à un moment cela va s'arrêter, car je n'aurai plus d'argent. Ainsi, au lieu d'avoir un pauvre, nous serons deux.
Conclusion : assister les pauvres, c'est créer de la pauvreté ! C'est cynique, mais c'est la réalité.
Alors, il ne faut rien faire ? Faut-il se contenter de regarder la misère des autres et de temps en temps leur jeter quelques miettes du gâteau. Surement pas !
D'abord, prenons soin de distinguer solidarité et assistanat. Sans doute me répliquera-t-on que voilà une subtilité dont celui qui manque de tout n'aura que faire. Cependant, cela a un sens et des conséquences.
La solidarité, c'est la mise en place de toutes les institutions comme la sécurité sociale, le système de retraite, l'assurance chômage. C'est la santé et l'éducation pour tous, gratuites, la mise à disposition de biens primaires gratuits ou à des prix accessibles comme l'eau, l'électricité, le chauffage, le logement, voire même aujourd'hui l'accès à internet. L'assistanat, c'est autre chose. C'est prendre en charge de manière continue des individus, c'est finalement mettre en place une mendicité institutionnalisée. C'est vicieux et inefficace. C'est ruineux pour tout le monde. D'ailleurs, depuis des décennies que l'Etat dépense pour aider les pauvres, il y a toujours autant de pauvres, voir peut-être même de plus en plus.
Alors, il faut que chacun ait les moyens de vivre par ses propres ressources. J'ai envie de citer le proverbe trop souvent mis à toutes les sauces " si tu donnes un poisson à un homme, tu le nourris une fois, si tu lui apprends à pécher, il se nourrira toute sa vie ". Cela suppose avoir une source de revenus, c'est-à-dire un travail. Il faut donc plus de travail. Plus de travail comme l'a dit Emmanuel Macron. Oui, mais plus de travail, ce n'est pas faire travailler plus d'heures ceux qui travaillent déjà en allongeant l'age de départ à la retraite ou en augmentant les heures hebdomadaires de travail. C'est donner un travail à ceux qui n'en ont pas. Si tous les chômeurs avaient un emploi, par la force des choses, il y aurait bien plus de travail produit.
Et puis il y a aussi ceux qui ont un emploi et qui parfois n'arrivent pas à en vivre. Alors, bien sûr, il faut augmenter les salaires.
Il serait également judicieux non pas desupprimer, mais de fortement réduire les contrats à durée déterminée, car avec un " CDD " on ne peut penser l'avenir. Un travail précaire, c'est une vie précaire. On ne peut acquérir un logement ou simplement faire des projets.
Il serait souhaitable aussi de diminuer le travail à temps partiel parce que le travail à temps partiel, c'est par conséquence un revenu partiel. Or ce sont généralement ceux qui sont dans les emplois les moins bien rémunérés qui sont souvent à temps partiel. Le temps partiel peut aussi être intéressant et nécessaire aussi bien pour les employeurs que pour certains salariés. Mais il ne faut pas confondre le temps partiel choisi et le temps partiel subi.
Or la plupart du temps " CDD ", temps partiel, faible revenu se conjuguent. Dans tous les cas, c'est là que l'on trouve ceux que l'on nomme les " travailleurs pauvres " avec des difficultés à louer un logement, à accéder à certains biens voir à se nourrir.
Et puis, en règle générale, il faudrait revoir non pas forcément la fiscalité comme on en parle aujourd'hui, même s'il faut la rendre plus équitable, mais la part qui revient au travail et la part qui va au capital. Les salaires du personnel dans les entreprises sont devenus une variable d'ajustement qu'il faut bloquer voir faire régresser pour comme ils disent "créer de la valeur pour les actionnaires".
Par ces moyens, briser le cercle vicieux de l'assistanat, c'est redonner aux individus de l'autonomie, c'est-à-dire de la liberté et de la dignité. C'est un modèle de société.
Richard Jean Pierre.
La vie n'est pas un droit de l'homme. Elle est précieuse et doit être préservée autant que faire se peut. Mais il y a des valeurs supérieures à la vie. L’honneur, le devoir, la liberté, la dignité, la loyauté, la justice, la solidarité etc… Et leur défense exige parfois que l’on meure pour elles. C’est ce que nous ont enseigné les résistants à la barbarie nazie durant la seconde guerre mondiale et bien d’autres avant eux. C’est le dissident Jan Patocka à Prague qui déclarait : "une vie qui n’est pas disposée à se sacrifier à son sens ne mérite pas d’être vécue". C’est ce que nous a rappellé le 23 mars 2018 le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame qui a choisi de prendre la place d’un otage, sachant sans doute que ces chances d’en ressortir vivant étaient réduites.
Des évènements comme celui-ci, dans un monde ou les brutes et les médiocres, pourvu qu’ils sachent manier la trahison et la flagornerie, sont projetés au sommet de la renommée, du pouvoir et de la richesse dans une société consommatrice, individualiste et léthargique qui ne propose qu’insouciance et loisirs pour le plus grand profit d’une élite mondialisée, nous rappelle que notre univers est inéluctablement tragique et la mort au bout. Toutes avancées politiques, sociales, économiques ne sont jamais définitives et il faut et faudra inlassablement combattre pour les défendre. Rien n’est jamais acquis. Tout est toujours à conquérir, parfois au prix du sang, parfois, et il faut sans relâche remonter sur le rocher.
Le sacrifice d'Arnaud Beltrame et de bien d'autres, nous dit que la vie n’a pas de prix, qu’il faut tout tenter pour la préserver, mais que parfois, pour garder des raisons de vivre, il faut être prêt à mourir pour elles.
Richard Jean Pierre.
Ce slogan soixante-huitard, un peu naïf et dépassé, qui laissait entendre que les élections ne servent à rien sinon à faire dire aux électeurs le contraire de ce qu'ils souhaitent, pourrait-il revenir à la mode ?
La décision concernant l'abandon de la construction de l'aéroport de Notre Dame des Landes (NDDL pour faire branché) fait partie des arguments en faveur de cette thèse. Pour ma part, j'étais plutôt contre. Je devrais me réjouir de l'option prise par le gouvernement. Seulement, voilà, une consultation populaire avait été organisée qui avait approuvé sa construction. Fallait-il passer outre ? Si l'on dit oui, pourquoi organiser des élections. On entend souvent par ailleurs vanter les mérites des référendums d'origine populaire sur des sujets concernant la vie des citoyens. On critique le personnel politique, leur reprochant d'être loin des réalités et/ou ne pas consulter et prendre en compte la volonté populaire. Et, quand, on demande l'avis des intéressés, on ne respecte pas leur décision.
Et puis, prenez le référendum de 2005 sur le traité européen. Là, j'avais voté "oui". Bon, mais c'est le non qui a gagné. C'est cette option qui devait s'imposer. Eh bien pas du tout, nos gouvernants de l'époque sont passés par-dessus en allant négocier à Lisbonne un traité avec les autres pays de l'Union en contradiction du choix des électeurs. Ce choix était-il judicieux ou pas ? C'était un choix démocratique. A quoi, ce scrutin a-t-il servi ? On peut comprendre que les électeurs soient de plus en plus poussés vers l'abstention.
Ensuite, on se souvient de la remarque d'un dirigeant de l'Europe suite au vote des citoyens grecs qui déclarait en substance qu'un vote ne pouvait remettre en cause les traités. Donc autant pas voter. Quelle outrecuidance de la part du peuple grec d'oser aller à l'encontre de traités que l'on ne leur a jamais demandé d'approuver par ailleurs.
Dans le même ordre d'idée, les électeurs irlandais ont rejeté deux traités concernant l'Europe ; la première fois en 2001, le traité de Nice sur l'élargissement de la communauté européenne et une deuxième fois en 2008 en votant contre le traité de Lisbonne. Le Conseil de l'Europe a déclaré à chaque fois que ces traités devaient être de toute façon être ratifiés. Sous la pression, un nouveau référendum a été organisé et le peuple irlandais a capitulé. Le peuple n'allait pas dans le sens de l'histoire. Enfin dans le sens d'une histoire que d'autres écrivent pour lui.
Dernier épisode en date : mai 2018. A la suite des dernières élections législatives en Italie qui ont vu la victoire de la coalition du mouvement M5 et de la ligue du Nord, un premier ministre a été nommé issu de celle-ci. Dans la formation de son gouvernement, le premier ministre, Giuseppe Conte voulait notamment nommer aux Finances Paolo Savona. Le président de la république, Sergio Mattarella, a refusé sa nomination au motif qu’il était eurosceptique. En expliquant sa décisionde la manière suivante : « La désignation du ministre de l’Économie constitue toujours un message immédiat de confiance ou d’alarme pour les opérateurs économiques et financiers ». « J’ai demandé pour ce ministère un représentant politique de la majorité cohérent avec l’accord de programme […] qui ne soit pas vu comme le soutien à une ligne qui pourrait provoquer la sortie inévitable de l’Italie de l’euro ». Devant ce refus, le chef du gouvernement a donné sa démission, considérant qu’il s’agissait là d’un coup de force. « Il est inutile d’aller voter, puisque ce sont les agences de notation, les lobbies financiers et bancaires qui les font » (sous-entendu les élections), a déclaré Luigi Di Maio.
Beaucoup parmi les élites, politiques, journalistes, intellectuels ou parmi ceux que l'on nomme la "classe moyenne supérieure" instruite et financièrement à l'aise, sont démocrates mais pas démophiles. Ils sont pour le gouvernement du peuple, mais il n'aime pas le peuple. Le peuple c'est-à-dire ceux dont Léo Férré chantait : "qu'on ne les voit jamais que lorsque l'on a peur d'eux". Ils supportent le peuple à condition qu'il vote comme ils le souhaitent.
Aussi peut-on poser cette question ? Voter a-t-il encore un avenir ? Et la démocratie par la même occasion.
Ce système politique qui a fait ces preuves et a indéniablement apporté, là où il a réussi, un progrès certain tant du point de vue des libertés que des avantages matériels, peut-il encore répondre aux défis du monde moderne ?
Que peut faire la démocratie face aux problèmes posés par l'immigration massive, la mondialisation, le choc des cultures, le multiculturalisme ?
Peut-elle résoudre les problèmes liés à la violence, la délinquance qui s'étend, aux mafias en tout genre, la ghettoïsation de certains quartiers ?
Que peut-elle pour lutter contre la pauvreté extrême dans un monde, voire même dans nos sociétés développées, où l'écart entre les plus riches et les plus plus pauvres se creuse chaque jour de manière de plus en plus indécente.
Quelle attitude est la sienne devant les puissances privées, économiques ou religieuses, devant les grands groupes au capital supranational qui n'obéissent à d'autre loi que la leur, devant la montée des intégrismes et les attaques contre la laïcité et la république ?
Que peut-elle au regard de l'urgence écologique, du dérèglement climatique et bientôt sans doute d'une nouvelle immigration liée aux phénomènes climatiques ?
L'observation du quotidien nous amène souvent à répondre rien ou pas grand-chose. A cela, on pourrait rétorquer, comme on l'a dit, de la culture : si elle coute trop cher, essayez l'ignorance, si la démocratie fonctionne mal, essayez la dictature.
Cette question est-elle légitime ? Oui dans la mesure où les citoyens des pays démocratiques vont de moins en moins voter. Oui, quand l'abstention devient le premier choix des électeurs.
Citons la phrase de Winston Chuchill, si souvent reprise et qui disait en parlant de la démocratie : "(...) on a pu dire qu'elle était la pire forme de gouvernement à l'exception de toutes celles qui ont été essayées au fil du temps".
C'est tellement vrai ! Mais tous les modes de gouvernement, qui n'ont pas su s'adapter et qui n'ont pas pu répondre aux défis de leur époque, ont fini par disparaitre. Et le minimum est de respecter le choix de ceux à qui on demande leur avis pour que les urnes dans lesquelles, on dépose un bulletin ne se transforment pas en urnes où l'on recueillera les cendres de la démocratie défunte. Pour éviter de passer de l'urne à l'autre.
L'abstention en quelques chiffres | ||||||
cliquez sur le graphique pour l'agrandir | ||||||
Participation aux élections présidentielles des Etats-Unis de 1824 à 2008 | ||||||
En complément, voici le blog de, Jean Claude Kaufmann, directeur de recherche au CNRS et qui vient de publier un ouvrage intitulé : "La fin de la démocratie, apogée et déclin d'une civilisation". Vous y trouverez des commentaires sur le phénomène des "gilets jaunes", sur la liberté dexpression et les dangers qui guettent nos démocraties.
Richard Jean Pierre.
Je ne sais si l'on apprend toujours aux écoliers la fable Le corbeau et le renard : Maître Corbeau, sur un arbre perché,t enait en son bec un fromage. Maître Renard, par l’odeur alléché, lui tint à peu près ce langage : « Hé ! bonjour Monsieur du Corbeau. Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau ! Sans mentir, si votre ramage Se rapporte à votre plumage, vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois. » À ces mots, le Corbeau ne se sent pas de joie ; Et pour montrer sa belle voix, il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie. Le Renard s’en saisit, et dit : « Mon bon Monsieur, Apprenez que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute. Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute. » Le Corbeau, honteux et confus, jura, mais un peu tard, qu’on ne l’y prendrait plus.
Loin de moi de vouloir plagier Jean de La Fontaine (1621-1695) mais je trouve que la conclusion de cette fable pourrait convenir à nos campagnes électorales.
Ce qu'un fabuliste ou affabulateur, c'est selon et chacun choisira, avait traduit par : "les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent".
Les hommes politiques ont-ils tort de formuler des promesses électorales qu'ils savent ne pas pouvoir réaliser ? Peut-être, c'est la loi non écrite du genre. Mais ceux qui les écoutent ont sans doute tort d'y accorder tant d'importance, ça c'est sûr.
Et puis à coup sûr, ils prennent aussi du plaisir à y croire ou à faire semblant et ensuite, ils sont déçus et se plaignent. Certains même en font tout fromage.
Bien sûr, il faut un minimum d'honnêteté de la part des candidats et qu'ils ne poussent pas trop loin le bouchon. Mais en démocratie, les campagnes électorales sont une fête ou devraient l'être. Elles sont là pour faire rêver. On ne peut pas toujours promettre "de la sueur, du sang et des larmes", bien que la formule ait de la gueule, il faut le reconnaitre. Mais c'était une autre époque "mon bon Monsieur." On peut y croire modérément un court instant mais pas plus. Faut pas être con non plus !
Remarquez, on tape toujours sur les politiques, mais regardez les artistes, les intellectuels, les journalistes et bien d'autres (vous en connaissez peut-être autour de vous) qui dénoncent les injustices, qui vilipendent la société et qui en même temps en profite très largement, c'est pareil. Non !
Alors, si on y a cru dur comme fer, il ne faut pas venir ensuite se plaindre. Qui a tort, qui a raison dans tout ça ? La malhonnêteté, l'hypocrisie, ce n'est pas bien, mais la connerie ce n'est pas mieux !
Richard Jean Pierre.
On entend souvent parler de la société civile comme acteur de transformation sociale.
Après tout, que nous apporte la classe politique. Les hommes politiques ont-ils déjà, peuvent-ils, améliorer le sort de l’humanité ?
Le concepteur du "tout-à-l’égout" a sans doute fait plus pour la santé publique que n’importe quel ministre. Les chercheurs anonymement dans leurs laboratoires ou le professeur Barnard, par exemple, auteur de la première greffe du coeur, ont largement contribué à l’allongement de la durée de la vie sans participer à l’action de l’appareil d’Etat. Les inventeurs modernes, pour ne parler que notre époque, de la photographie, du cinéma, de l’aviation, de l’automobile, de l’ordinateur portable, d’internet etc. ont modifié nos modes de vie autrement que le personnel politique.
Certains répliqueront que tout cela n’a été possible que parce que des hommes politiques ont pris ou fait prendre des décisions qui ont permis ces inventions ou ces avancées sociales.
Mais, n’est-ce pas les acteurs sociaux qui ont été à l’origine de tout cela. La liberté d’association date de 1901. Est-ce à dire qu’avant les citoyens ne s’associaient pas. L’association est un phénomène naturel et nécessaire aussi vieux que l’humanité. Le législateur n’est là venu que légalement permettre une pratique qui avait cours en dehors de la loi. Est-ce que les ouvriers ne faisaient pas grève avant que le droit de grève ne soit reconnu ? Bien sûr que si ! C’est justement parce qu’il y a eu des grèves que le droit a été reconnu. Ici encore, la loi ne fait que reconnaitre une pratique sociale. Et est-ce que l’avortement n’a eu cours qu’à partir du vote de la loi sur l’interruption volontaire de grossesse ? Non !
On pourrait ainsi multiplier les exemples où la loi n’a fait que sanctionner une pratique sociale. Les hommes politiques n’inventent rien. Ils suivent.
Cela est d’autant plus vrai que là où la pratique sociale est forte et vivace, la loi qui va contre, a du mal à s’imposer ou rencontre la plupart du temps un échec. La prohibition de l’alcool aux USA a été une catastrophe. Les politiques pénales répressives dans le monde entier contre le trafic et la consommation de drogues diverses mises en place avant la seconde guerre mondiale sont un échec lamentable. On a jamais non plus interdit la prostitution avec un texte. On ne gouverne pas la société par décret nous disait il y a quelques années, le sociologue Michel Crozier.
Ce n’est que quand une pratique sociale faiblit qu’une loi peut s’immiscer dans les interstices de ses retraits, pour la limiter ou la proscrire. C’est ce qui s’est produit avec l’interdiction de fumer dans les lieux publics.
Alors mettre en oeuvre une transition énergétique, changer le vieux logiciel libéral, adopter des comportements qui permettront de freiner dans un premier temps le réchauffement climatique, vivre, produire, construire, consommer différemment etc. tout cela est déjà en gestation et en réalisation dans des centaines voir des milliers de mouvements de par le monde et aussi près de chez nous. Ce changement ne viendra pas du vieux monde politique, mais d’une pratique sociale qui dépend de chacun de nous au quotidien. Je ne pense pas non plus que la politique et ceux qui la font, soient totalement inutiles. Ils ont leur raison d'être et le monde a besoin de gouvernance. Mais je ne fais aucune illusion sur leur capacité à transformer les choses ni sur la portée de leur action.
Laissons les commentateurs commenter. Il y a mieux à faire. C'est, à n'en pas douter, au regard du passé, la pratique sociale qui pourra aider à mettre en oeuvre toutes ces initiatives qui émergent et se développent pour qu’un jour le législateur prenne les lois qui s'imposeront comme une évidence.
Richard Jean Pierre.
En 1980, Milton Friedman participe à une série télévisée intitulée " Free to choose " (Libres de choisir). A propos de l'égalité entre les hommes, il déclare dans un de ces épisodes : " La vie elle-même est injuste. Certains naissent aveugles, et les autres voyants. Dans des familles pauvres ou dans des familles riches. Et c'est très bien ainsi. Comme serait triste un univers ou tout le monde se ressemblerait !" Dans le même épisode, dans un casino de Las Vegas, il poursuit : "Tous ces gens ont à peu près le même nombre de jetons devant eux. Pourtant, il y aura des gagnants et des perdants... Au nom de l'égalité, il faudrait que les gains soient redistribués aux perdants ? Cela ôterait tout intérêt au jeu. Même les perdants ne voudraient pas de cette règle. Est-ce qu'il reviendrait jouer s'ils savaient à l'avance que tout finit comme tout a commencé ".(1)
Dans un sens, Milton Friedman n'a pas tort et nous pourrions trouver d'autres exemples qui nous disent que les hommes ne naissent pas égaux. Nous ne sommes pas tous Mozart, Einstein ou Picasso. Tous les individus ne possèdent pas le même potentiel de santé. Le sport aussi nous le prouve. Certains athlètes courent plus vite que d'autres. Nous voyons bien lors du tour de France cycliste que tous ne grimpent pas les cols avec le même bonheur. Est-ce que la compétition serait intéressante si l'on exigeait que tous passent la ligne d'arrivée en même temps ? Evidement non ! Ce serait à mourir d'ennui. Il est donc vrai que l'inégalité donne du piment à l'existence.
Le célèbre économiste nous rappelle simplement que l'égalité n'est assurément pas une donnée de la nature et que depuis des millénaires l'inégalité règne en maitre. Le fort écrase le faible. C'est là loi non écrite, mais bien réelle. Et l'on devine bien là où il veut nous mener et les conclusions qu'il en tire et avec lui nombre d'autres économistes. "Les économistes pensent qu'il existe une "nature des choses" qui fait que les hommes sont dans la "loi de la jungle" et que les forts mangent les faibles ; qu'une nécessité et des lois immanentes aliènent leur liberté". (2)
Mais au fil des temps, l'égalité s'est érigée en une exigence, en une morale. L'égalité n'est pas naturelle assurément et nous pouvons le constater tous les jours. Elle est une idée des hommes qui affirment leur humanité. Et c'est depuis des siècles un combat jamais gagné, mais toujours renouvelé. Si l'idée progresse, son affirmation est toujours d'actualité. S'il n'y pas d'égalité de naissance, c'est une égalité politique, juridique qui est proclamée. L'inégalité est un fait. Il serait stupide de le nier. L'égalité est un droit. Il est bon de le rappeler.
Cette égalité politique et juridique suppose évidemment la fin de tout esclavage, mais aussi un certain nivellement des conditions, à travers l'émergence de ce que certains ont appelé " la classe moyenne " et de l'accès de tous aux biens communs de l'humanité. C'est-à-dire l'accès aux ressources naturelles : l'eau, l'air, la nourriture. Chacun doit se voir garantir la sécurité. Chacun doit pouvoir accéder à un logement, à l'éducation, à la santé. Chacun doit pouvoir développer ses talents, cultiver sa différence dans le respect de la liberté des autres. C'est ce que nos sociétés ont de façon imparfaite réalisé à travers ce que l'on nomme quelques fois " la sociale démocratie " qui reposait sur une économie de marché et la libre entreprise. Mais une économie corrigée par les services publics et des lois de régulations.
L'égalité politique ne doit pas, non plus, sombrer dans un égalitarisme, qui incite certains à remettre en cause cette construction humaine, et où les différences et les talents ne puissent plus s'exprimer. D'autant plus que "l'égalitarisme" serait la mort de toute évolution et de tous progrès humains. Mais cette inégalité de départ nous impose justement une solidarité qui doit se traduire dans les institutions et les lois de nos sociétés. Et cette exigence ou cette morale, c'est selon passe par la primauté du politique. Du politique sur l'économique. Voilà bien une ligne de fracture dont on parle très peu, voire jamais, mais qui transparait dans tous les débats et dans toutes les élections.
Richard Jean Pierre.
(1) Citations tirées du livre "La caste cannibale" de Sophie Coignard et Romain Gubert
(2) Bernard Maris tiré de son ouvrage "Marx ô Marx, pourquoi m'as-tu abandonné?" éditions Flammarion - Champs actuel
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- Et ben, j'vais t'dire, on n'est pas dans la merde et c'est pas près de s'arranger !
- Tu l'as déjà dit hier.
- Et ben hier c'était hier et aujourd'hui... c'est pareil. Tiens, t'as lu le canard d’aujourd’hui ?---
- Non, je lis très peu le journal.
- Eh ben, y disent, c’est écrit là qu’on arrive pas à trouver du personnel. Y a plein d’offre d’emploi. Y a des chômeurs et pourtant y a du boulot. Merde !
- C’est peut-être pas si simple.
- Pas si simple, mon cul. On est entouré d’une bande de fainéants qui veulent pas bosser. C’est tout !
- Il y a des offres d’emplois non pourvus, c’est vrai. Mais les conditions de travail et les salaires peuvent rebuter. Et puis, c’est aussi une question de qualification. Si tu es comptable, tu peux toujours mettre en rayon dans un supermarché mais tu vas pas faire plombier, par exemple. Tu vas pas non plus accepter un boulot à des dizaines et des dizaines de kilomètres de chez toi. Il y a le déplacement, la fatigue, la vie familiale et le prix de l’essence. Tout ça rentre dans la balance. Aujourd’hui les gens privilégient la qualité de la vie.
- Tout ça c’est des beaux discours. Mais tu m’enlèveras pas de l’idée qu’y préfèrent rien foutre. De mon temps….
- Dans un sens t’as pas tort. On assiste aujourd’hui à un refus du travail. Tu vois, je rapprocherai cela de l’abstention de plus en plus forte aux élections. Les gens en ont marre du système et bien pour le travail c’est pareil. Les employeurs sont face à une forme d’abstention. On vit une insurrection citoyenne en quelque sorte. Avant, de ton temps comme tu dis, quand on était mécontent, on faisait grève. Aujourd’hui, les grèves ça ne marche plus tellement et puis les syndicats sont un peu déconsidérés comme les partis politiques. On considère qu’ils appartiennent au système où qu’ils en sont les complices. Avant, on faisait des révolutions. Ça n’a jamais produit rien de bon et les gens n'y croient plus au " grand soir ". Maintenant, on s’abstient de voter et de travailler, c'est une façond d'être en grêve. Beaucoup de gens font des études et diplômes refusent les postes souvent bien payés auxquels ils étaient destinés pour une vie plus frugale mais plus épanouissante. C’est une façon de résister. Ça part d’une forme d’impuissance devant des forces supérieurs mais ça peut devenir à son tour une force.
- C’est pas bien clair ce que tu racontes. Et puis tu sais moi ce que j’en dis. J’ai fait mon temps et je cherche plus de boulot.
- Bon, il va falloir que j’y aille.
- Tu bois rien ? T’as bien le temps. Marcel, tu nous remet ça … avant que toi aussi tu te mettes en grêve. Nous on s'abstient pas.
Voir aussi l'article de ce site : "Elections : pièges à cons ???"
- Et ben, j'vais t'dire, on n'est pas dans la merde et c'est pas près de s'arranger !
- Tu l'as déjà dit hier.
- Et ben hier c'était hier et aujourd'hui... c'est pareil. Tiens, t'as vu notre ancien député. Machin, là. Ah ! Comment qu'y s'appelle ?
- Je sais pas.
- Mais si. Tu sais....
- Je te dis que je ne me souviens pas.
- Enfin, tu vois...
- Non, je vois pas. D'ailleurs, je pense que je ne l'ai jamais vu.
- Tu l'as jamais vu ? Ben, au moins une fois sur le marché pour la campagne électorale.
- Je vais jamais au marché.
- Là t'as tort. On y trouve de bons produits. pas chers, de qualité. Et en plus des produits locaux.
- Bien, Monsieur. C'est pour me parler du marché que...
- Non ! Ben battu aux dernières législatives, on le r'trouve aujourd'hui au conseil départemental. Y en a qu'ont le chic pour se recaser.
- Bon et alors ! Il a retrouvé un boulot c'est qu'il a du traverser la rue.
- Quoi...
- Non rien. Tu vois, pas tous, mais certains hommes politiques, c'est comme ce que l'on jette, on les recycle. Des fois, je me demande si là aussi, on ne devrait pas faire du tri sélectif.
- Et tu sais quel est son job.
- Non, mais tu vas me le dire.
- Eh, ben mon vieux, il est vice-président des routes, des batiments, des pistes cyclables, des mobilités, du numérique et... tiens toi bien... des anciens cobattants. Tu trouves pas que ça fait beaucoup.
- Bof ! Toi quand tu picolles pafois tu fais bien des sacrés mélanges. Non !
- Ouais, mais le lendemain, j'te dis pas.
- Oh, t'as pas besoin de me le dire. Et, ben, là c'est pareil.
- Pour ça faut vraiment un président et un vice-président ?
- Non, mais dis toi bien qu'il n'y a pas un président et un vice-président parce qu'il ya des besoins. On crée des besoins pour créer un poste de président et de vice-président.
- Alors, c'est comme moi. J'picole pas parce que j'ai acheté de l'alcool. J'achète de l'alcool parce que je picole. Ou le contraire, je sais plus.
- Ouais, comme tu veux.
- Bon, de toute façon, Marcel, tu nous remets la même chose.
*Toute ressamblance avec des personnes existantes est complètement fait exprès
- Et ben, j'vais te dire on n'est pas dans la merde et c'est pas près de s'arranger !
- Tu l'as déjà dit hier.
- Et ben hier c'était hier et aujourd'hui... c'est pareil.
- Tiens ! pour bien faire...
- Qu'es ce tu prends ?
- La même chose.
- Pour moi aussi.
- Pour bien faire, il faudrait : " un monde dans lequel le travail aurait gardé tout son sens ".
- Ouah ! un monde où le taf aurait garder tout son sens des fois tu dis d'ces trucs. Et puis, facile à dire !
- Sur. Pas facile mais essentiel. Regarde, depuis de nombreuses années on a préféré réduire le temps de travail et se procurer des avantages même s'il faut pour cela avoir un travail "déqualifié".
- Bof, moins bosser, c'est peut-être pas plus mal.
- Oui mais tu vois, aujourd'hui on n'exerce plus un métier, on a un emploi. Depuis longtemps les travailleurs... T'as remarqué dans le langage d’aujourd’hui, il n’y plus de travailleurs mais des salariés...
- Non, j'avais pas fait gaffe.
- ... les travaileurs ont été dépossédés de leur savoir-faire et ne maitrisent plus leur art. Les gens sont coincés dans une production automatisée où la satisfaction au travail a totalement disparue. Ils sont devenus des pions interchangeables.
- Putain ! Des fois, tu causes bien. Ça envoie du lourd.
- Ouais, mais c'est du lourd aussi pour les financiers qui possèdent les grandes entreprises C'est tout bénéfice pour eux . Bénéfice financier, tu penses, mais aussi avantage de pouvoir remplacer facilement un employé par un autre.
- Tu m'étonnes. Y s'gène !
- D'autant plus que dans de nombreux cas la machine tend à remplacer l'homme quans c'est pas l'homme qui devient une pièce de la machine. Tout cela génère du mal-être, de la précarité et fait vivre les individus dans la terreur de perdre leur emploi.
- Bon, ben avant qu'y te remplace, Marcel, tu nous remets la même chose.